Lambert de SAYVE (1549 – 1614)
Messe pour le sacre de l’Empereur Matthias (1612)
Chœur de chambre de Namur / Psallentes (chant grégorien)
La Fenice
Direction Jean Tubéry
52’32, Ricercar, 2008.
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Le marketing a parfois du bon. Car qui s’intéresserait réellement à un disque intitulé Regna Triumphalem à 12 voix et Missa super Dominis Regnavit à 16 voix ? Pourtant, il s’agit bien-là des deux compositions principales sur lesquelles se fonde cette reconstitution fastueuse du Couronnement de l’Archiduc Mathias, frère de Rodolphe II, en 1612. C’est d’ailleurs cette même année que Lambert de Sayve publie son recueil Symphoniae sacrae et devient officiellement Maître de la Chapelle Impériale.
Ces considérations historiques étant faites, ce Couronnement est-il à la hauteur de son impériale couronne ? On retrouve chez de Sayve un style proche de William Brade pour l’entrain des parties instrumentales, et de Gabrieli et Lassus pour la verticalité massive de l’écriture chorale. Les dialogues entre trois ou quatre chœurs sont fréquents, les passages en imitation nombreux. De temps à autre, une échappée soliste se fait entendre, mais l’essentiel est résolument choral et fortement contrapuntique. Autant dire que le Chœur de chambre de Namur et la Fenice sont dans leur élément…
Commençons donc par le chœur qui fait montre d’une grande cohérence et d’un équilibre exemplaire dans les parties (4 chanteurs par pupitre, l’effectif idéal pour les cantates de Bach), avec des aigus purs, et des parties intermédiaires très denses. Il se dégage du Chœur de chambre de Namur une sensation de puissance confiante, digne d’un monolithe inébranlable, impressionnant de stabilité, hiératique dans son sérieux. Le « Regna Triumphalem » est majestueux à souhait, le triomphe un peu empâté et solennel, le « Jubilate Deo » enlevé mais toujours avec ce sens du décorum et cette hantise de l’excès. Et au fur et à mesure de l’enregistrement, on se rend compte que l’écriture spectaculaire mais un peu raide de Lambert de Sayve n’a pas la fluidité d’un Gabrieli, ou l’insidieuse conviction d’un Schütz. Elle impose plus qu’elle n’évoque, martèle pour prouver sa force, se laisse parfois aller à de jolis chromatismes qui s’effacent rapidement, comme autant d’incartades honteuses. C’est une pompe fastueuse mais sèche, un pourpoint de la plus fine étoffe mais d’un ébène des plus noirs. Et les mystiques repons en plain-chant grégorien interprétées par Psallentes ne font qu’aggraver l’ambiance mortifère qui finit par assiéger l’auditeur.
Heureusement, la Fenice est là, avec ses brillants trombones, ses cornets ductiles, ses truculents bombardes et bassons. Mais l’orchestre ne joue ici qu’un rôle de soutien, doublant certaines parties, supportant l’envahissant chœur qui focalise toute l’attention. Le « Da pacem », confié aux seuls instruments solistes, constitue une bouffée d’air et de vie, au sein de cette cérémonie à l’étiquette rigide, ivre de sa propre grandeur. 4 Muses donc, pour un enregistrement excellentissime, mais qui n’emporte pas vraiment l’adhésion, n’émeut jamais, prisonnier du carcan de sa gloire et de sa complexité.
Armance d’Esparre
Technique : comme d’habitude avec Ricercar, prise de son riche et très englobante
Étiquettes : La Fenice, Muse : airain, musique religieuse, Outhere, Ricercar, Tubéry Dernière modification: 25 mars 2024