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L’or du temps (Vivaldi, Concertos pour basson, Azzolini – Naïve)

Si cet enregistrement se démarque nettement d’une grande partie de la production vivaldienne, ce n’est guère par son écriture, poétique, énergique, d’un optimisme virtuose et d’une rêverie élégiaque, éclairs de doubles croches, arpèges, cantilène lyrique… le cru vivaldien des années 1720-30 possède ses fondamentaux. Mais le basson de Sergio Azzolini est là, transcendant le matériau, orchestre à lui seul, incroyable conteur.

Antonio VIVALDI (1678-1741)
Concerti per fagotto, vol.2

Concerto RV 499 in la minore
Concerto RV 472 in do maggiore
Concerto RV 490 in fa maggiore
Concerto RV 496 in sol minore
Concerto RV 504 in si bemolle maggiore
Concerto RV 483 in mi bemolle maggiore
Concerto RV 470 in do maggiore

Sergio Azzolini (basson)
L’Aura Soave Cremona
Direction Diego Cantalupi
77’, Naïve, 2011.

« Je cherche l’or du temps » (André Breton)
Nous avions passé sous silence le premier volume de ce diptyque, paru en 2010. Cette discrétion coupable est désormais réparée avec les louanges relatives à ce second volet, d’autant plus que les concertos baroques pour basson ne sont guère légion si l’on exclut Boismortier. Corette, Graupner ou Reichenauer. Vivaldi ne consacra pas moins de 39 concerti à cet instrument qui peinait à se voir affirmer sa stature soliste à l’époque.

Si cet enregistrement se démarque nettement d’une grande partie de la production vivaldienne, ce n’est guère par son écriture, poétique, énergique, d’un optimisme virtuose et d’une rêverie élégiaque, éclairs de doubles croches, arpèges, cantilène lyrique… le cru vivaldien des années 1720-30 possède ses fondamentaux. Mais le basson de Sergio Azzolini est là, transcendant le matériau, orchestre à lui seul, incroyable conteur. Sur une copie d’un anonyme italien des environs de 1710, le soliste livre une lecture jouissive et kaléidoscopique de ces œuvres, festival de couleurs épicées, insufflant une liberté et un sens du phrasé inouïs à une mélodie qui eut pu sous d’autres lèvres passer pour uniquement élégante et décorative.

Tremblez sous les ténèbres engourdies du Largo claudiquant du Concerto RV499 en la mineur ou de l’Andante molto assoupi du RV 472 en do majeur, laissez vous aller à la sensualité suggestives quasi-jazzy de l’introduction de l’Allegro non molto gourmand du même RV 472, à la truculence rustique du premier mouvement du RV496 en sol mineur, à l’excitation nonchalante du Presto du RV 483 en mi bémol majeur.

Face à son soliste superlatif, L’Aura Soave Cremona étale ses cordes rondes, ses crescendi par palier. La direction de Diego Cantalupi insiste sur les contrastes de tempi, étire avec gourmandise les largos, laisse les allegros dans l’allégresse sans brutalité ni fureur. Par rapport à ses illustres confrères de la péninsule, d’Il Giarmonico à Europa Galante, on déplore chez l’Aura Soave Cremona une relative sagesse, une suavité amollie qui porte bien son nom, une lecture sans surprise face à la fougue si spontanée d’Azzolini. L’Allegro brut et décoiffant de la RV499 est hélas trop rare, et les cordes se montrent parfois brouillonnes et amollies dans leurs attaques. L’orchestre offre ainsi un écrin admiratif et protecteur à son soliste, quitte à ne pas s’affirmer suffisamment, si bien qu’à un contre 16, Sergio Azzolini domine sans l’ombre d’un doute une phalange trop peu audacieuse pour jouer d’égal à égal avec son basson multifacetté. Mais qui le pourrait ?

Armance d’Esparre

Technique : Prise de son dynamique avec le basson d’Azzolini très, trop en avant.

Étiquettes : , , , Dernière modification: 16 juillet 2020
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