« Que ma joie demeure »
Spectacle écrit, interprété et réalisé par Alexandre Astier autour de Jean-Sébastien Bach
Mise en scène Jean-Christophe Hembert
Bonus
– Expertise d’un orgue
– Commentaires de Gilles Cantagrel
1 DVD Universal, Français, Pal, Couleur, 2012.
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Ceux qui ont regardé consciencieusement un générique de la série Kaamelott le savent déjà : le talent d’Alexandre Astier ne se limite pas à « jouer la comédie ». En plus d’être l’auteur de la série, il est également, entre autres, le compositeur de sa musique, tout comme de celle de son film David et Madame Hansen.
Comme il a lui-même eu l’occasion de le confier en interview, Alexandre Astier admire éperdument Johann Sebastian Bach, celui-ci le fascine. Ayant pour quelques temps laissé de côté les brumes arthuriennes, il a donc écrit un spectacle sur son musicien préféré. Conçu initialement comme une leçon de musique donnée par le Cantor à l’occasion d’une journée portes ouvertes, Que ma joie demeure dépasse bien largement ce cadre. Bach est montré à une cérémonie religieuse, tentant d’oublier son chagrin suite à la perte de l’un de ses enfants, faisant aussi la part belle à Bach en son foyer et dans quelques autres situations. Le jeu des éclairages, très soigné, donne une véritable clarté aux différentes scènes qui ponctuent le spectacle. L’ensemble construit un portrait complexe de Bach compositeur, musicien, théoricien, mais aussi, plus simplement, homme.
Bien sûr, ce portrait est peut-être en quelques points erroné. Ainsi, Bach n’avait pas de mépris ni pour la musique française ni pour la musique italienne, et ignorait sans doute tout des musiques africaines. Faisant notamment allusion à la surdité, le personnage rappelle également par moments davantage Beethoven que Bach. Mais l’exactitude anthropologique n’est pas le but, et Alexandre Astier n’y prétend pas. Il a par ailleurs eu soin d’ancrer solidement son spectacle dans la réalité historique : deux de ses enfants, nous dit son Bach, son morts déjà cette année, dont tout récemment Johann August. Cela situe l’action en 1733, puisque Johann August est né le 5 novembre et mort le lendemain, et que Bach avait déjà perdu, le 25 avril, Regina Johann (née en 1728). Astier s’est aussi inspiré d’anecdotes avérées, comme celle de Bach se faisant bercer par ses fils, Carl Philipp Emanuel n’achevant pas la pièce une fois son père endormi, ce dernier tourmenté se relevant pour résoudre la cadence laissée en suspens.
Bande-annonce du spectacle © Universal
Sans révéler le détail du spectacle, signalons également que nous admirons sa construction dramatique, toujours claire et qui conduit vraiment le personnage Bach d’un point à un autre — en adéquation, d’ailleurs, avec son titre. Ce Bach-là possède une vraie psychologie, que le comédien Alexandre Astier fait vivre avec brio, que ce soit dans le rire — on connaît son humour ravageur, et le spectacle est bien entendu parsemé de moments et de répliques d’anthologie dans ce genre — ou dans l’émotion.
Mais ce n’est pas tout : un clavecin est là sur scène, et Astier en joue. La séquence dans laquelle Bach, inspiré, construit peu à peu le premier menuet de la première Partita pour clavecin en si bémol majeur est bluffante : de quelques notes on voit avec émerveillement surgir, se construire cette musique. Quand Bach prend par ailleurs une basse de viole et un archet, et se met à jouer le menuet de la première Suite pour violoncelle, on ne s’étonne même plus de découvrir à Alexandre Astier cette nouvelle compétence.
Alexandre Astier signe donc avec Que ma joie demeure un spectacle aussi abouti et soigné dans ses détails que prenant, amusant, réjouissant. À consommer sans modération, comme la musique du Cantor.
Loïc Chahine
Technique : captation fluide, bonne qualité de l’image en dépit d’une scène sombre.