Pierre ROBERT (1625 – 1699)
Grands Motets
De profundis
Quatre fremuerunt gentes
Te decet hymnus
Nisi Dominus
Dagmar Sasková (dessus)
Damien Guillon, Robert Getchell (haute-contre)
Jean-François Novelli (taille)
Alain Buet (basse-taille)
Arnaud Richard (basse)
Les Pages & les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
Musica Florea (direction : Marek Štryncl)
Direction Olivier Schneebeli
68’58, K 617, enregistrement les 17 et 18 octobre 2008
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Grand oublié de l’histoire, Pierre Robert fut pourtant avec Henry du Mont celui qui porta durant la période la plus prospère du Règne de Louis XIV, le genre du grand motet à son accomplissement. Tout deux devinrent par semestre Sous-maîtres de la Chapelle Royale en 1663 et quittèrent leurs fonctions en raison de leurs réticences aux demandes d’évolution du Roi, en 1682 lors de l’installation officielle de la cour à Versailles. Le Roi toutefois sut rendre à Pierre Robert un véritable hommage, qui nous permet encore d’entendre aujourd’hui certaines de ses œuvres. Il fit imprimer par Robert Ballard en 1684 le Recueil pour la Chapelle du Roi qui comporte 24 motets à deux chœurs et instruments du compositeur ayant permis ainsi à environ un tiers, seulement, de la production de Pierre Robert de nous parvenir. Peut-être peut-on imaginer que sa musique religieuse, évoquait en lui, tout comme pour Lully dans le genre profane cette jeunesse d’un Roi Soleil, cherchant à éprouver son pouvoir mais également en quête de plaisir et qui fit de la musique une marque d’opulence, signature de sa gloire éternelle.
Ouvrant l’enregistrement, le De profundis, qui date de 1678, est une œuvre bouleversante. Alors que rien ne semble indiquer qu’un deuil ait frappé la cour de France cette année là, cette œuvre moderne pour son temps, nous frappe par sa flamboyante luminosité. Entre le petit chœur dont surgit les voix solistes et le grand chœur composé par les Pages et les Chantres du Centre de Musique baroque de Versailles, ce De profundis révèle une vision de la mort tout à la fois tragique et dansante, terrifiante et bienheureuse, appelant à une libération qui éblouit. Les chanteurs construisent par leur interprétation une architecture du sublime.
Olivier Schneebeli se fait maître des reliefs et des nuances. Il permet à la musique de devenir aussi mouvante que les ailes des anges de la Chapelle Royale et de se torsader comme leurs tissus. Elle devient un souffle irréel. Instrumentistes et solistes apportent des couleurs, véritable arc en ciel sonore. Entre voix adulte et voix d’enfant, entre sopranos et hautes contres en particulier, tout ici irradie. La mort ne peut donc être que radieuse.
Suivant ce motet vient ensuite le Quare fremuerunt, probablement le plus ancien de cet enregistrement datant de la période 1664/66. Il affirme par ses accents guerriers les orientations d’un jeune roi qui veut ainsi démontrer sa puissance tant temporelle que spirituelle. Virtuose pour la voix, les mots y deviennent conquérants et les interprètes en soulignent la force vitale qui les anime. Ici la véhémence s’affirme dans des aigus quasis inhumains, des graves à la profondeur abyssale. Les interprètes se jouent des difficultés, leurs timbres s’entrechoquent venant briser les résistances tel un vase d’argile (Reges eos in virga ferrea…).
Le Te decet hymnus rappelle certaines œuvres de Lully. Les musiciens de Musica Florea apportent aux chanteurs l’incarnat d’une basse continue source de gloire. L’orchestre bénéficie ici d’une composition très particulière. Il fait appel au quintette français (haute-contre, taille, quinte et basse), offrant à la composition vocale une amplitude permettant de souligner la renommée du souverain. Les réponses des solistes et du chœur accentuent les reliefs des différents plans sonores, ouvrant l’espace clos de la chapelle vers l’infini. Une pulsation inébranlable émane de ces effets polychoraux, créant une inébranlable dynamique.
Concluant ce CD le Nisi Dominus, appel à la miséricorde divine, vient parachever cette affirmation d’un pouvoir qui vous sauve de toutes les craintes. Une fois encore, emportées par le mouvement de ces masses sonores voluptueuses, les voix s’élèvent, se soutiennent et se libèrent de toutes contraintes.
Tout ici est admirable, aucun interprète ne pouvait mieux que ceux qui y figurent nous révéler le sublime d’une musique qui avait été injustement oubliée. Mots et musique y fusionnent en une extase salvatrice.
Monique Parmentier
Technique : dynamique, claire et souple permettant de mettre en valeur les différents plans sonores
Étiquettes : CMBV, Guillon Damien, K617, Monique Parmentier, Muse : or, musique religieuse, Robert Pierre Dernière modification: 11 juillet 2014