Costanzo FESTA (v.1490 – 1545)
Lamentatio
IX Lamentationes Hieremiae Prophetae (intégrale)
Ensemble Scandicus :
Frédéric Bétous, Jean-Louis Comoretto, Marc Pontus (altos)
Olivier Boulicot, Guillaume Delpech, Domonique Rols (ténors)
Jérémie Couleau, Frédéric Cottereau, Alain Dupont (barytons)
François Velter, Jean-Manuel Candenot (basses)
69’19, Pierre Verany, enr. 2008
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Datant de 586 avant Jésus Christ, les Lamentations du Prophète Jérémie témoignent du désespoir d’Israël et de la désolation de la Ville Sainte après sa première destruction ; intégrées à l’Ancien Testament, elles constituent un élément essentiel de l’Office des Ténèbres célébré au cours du triduum sacrum de la Semaine Sainte. Costanzo Festa, compositeur brillant mais énigmatique du premier XVIème siècle romain, se devait donc de servir par sa musique l’intensité dramatique de la prosodie religieuse ; il a su donné à un riche contrepoint la clarté du chant grégorien, clarté que l’ensemble Scandicus s’est efforcé de restituer par une interprétation dénuée de tout ornement et d’une profonde simplicité.
De l’unisson par lequel débute l‘Incipit de la Première Lamentation se délient peu à peu les diverses lignes mélodiques, portées par les sombres basses de François Velter et Jean-Manuel Candenot ; ce premier verset s’élève telle une prière chargée d’une tragique solennité. Et nous nous trouvons dès lors touchés par la force de ces quelque secondes dans lesquelles Festa – que Palestrina prendra par la suite comme modèle – a su condenser tout son savoir-faire en conservant l’intelligibilité du texte malgré la complexité des champs mélodiques. Exclusivement destinées à des voix masculines, ces Lamentationes voient leur effectif varier de une à sept voix ; ainsi au début de la Troisième Lamentation, alto et baryton (le livret n’en précise pas les noms) se font mutuellement écho alors que leurs harmoniques lumineuses se cristallisent au sein d’un silence troublant.
Le Repons du Samedi Saint pour voix seule – chanté traditionnellement entre deux Lamentations – offre également d’apprécier la limpidité mélodique de Festa d’où naît un profond sentiment d’intemporalité ; de goûter à cette sorte de candeur naturelle qui donne aux phrases un peu de hauteur par rapport au texte, un brin pessimiste.
C’est probablement dans la clausule « Jerusalemen convertere ad Dominum deum tuum » – par laquelle s’achève chaque Lamentation – que la prolifique imagination de Festa se déploie dans toute ampleur ; il magnifie cette exhortation mystique avec douceur mais insistance et rappelle que le sens de ces Lamentations n’est non pas d’accabler Dieu des malheurs arrivés mais bien de rappeler à lui le peuple égaré.
L’ensemble Scandicus s’est ici attelé à un jeu risqué en enregistrant l’intégrale des Lamentations de Festa ; il vaut mieux en effet fragmenter l’écoute de ce disque afin de ne rien perdre de la force de cette musique qui peut, dans sa monolithique verticalité, paraître trop abstraite par sa grande spiritualité et risque d’attirer l’oreille de l’auditeur sur les rares défauts (justesse) des interprètes tout en laissant entrevoir le spectre de la grave monotonie.
Isaure d’Audeville
Technique : captation claire avec très légère réverbération.