Rédigé par 23 h 05 min Littérature & Beaux-arts, Regards

La Fillette au brasier enflamme les cœurs (George de La Tour)

4 340 000 euros (frais inclus) chez Lampertz à Cologne ce jour, 10 décembre 2020.  A l’heure où l’on ne parle que de dépenses essentielles de coupes drastiques, de serrage de vis ou de ceinture, de déficits et de faillites, faut-il se réjouir de ce record battu ? Record pour un George de La Tour (1593-1652), dont il ne subsiste que 48 tableaux (à titre de comparaison on en dénombre 37 pour le rare Vermeer sans entrer dans les querelles d’attribution, ou encore plus de 80 Caravage).

Plaisante joliette de grand valeur

George de la Tour, Fillette au brasier, huile sur toile (vers 1646-1648) – cliché Lempertz, tous droits réservés

4 340 000 euros (frais inclus) chez Lampertz à Cologne ce jour, 10 décembre 2020.  A l’heure où l’on ne parle que de dépenses à limiter à l’essentiel, de coupes drastiques, de serrage de vis ou de ceinture, de déficits et de faillites, faut-il se réjouir de ce record battu ? Car il s’agit bel et bien d’un record pour un tableau de George de La Tour (1593-1652), dont il ne subsiste que 48 huiles (à titre de comparaison on en dénombre 37 pour le rare Vermeer sans entrer dans les querelles d’attribution, ou  plus de 80 pour le Caravage).

De format moyen (76 x 55 cm avec une extension au sommet de 7 cm), datée des années 1646-1648, signée en haut à droite, mais d’une manière qui rend l’attribution indiscutable, cette belle œuvre, dernier La Tour connu à être encore détenu dans des mains privées (la collection Bischoff depuis 1975) a fait tourner les têtes. On avait pu l’admirer au grand Palais, il y a longtemps déjà, en 1997… Silence contemplatif, douceur intime, scène quotidienne mais qui frise l’allégorie et l’universel. Presque pas de détails, d’accessoires (brasero d’une grande économie de pinceau), une grande stylisation, presque une épure, un brin géométrique. reste ce profil encore juvénile, ces joues bombées, l’œil invisible qu’on devine brillant. 

George de la Tour (?) – Le Souffleur fumant, vers 1646, Fuji Art Museum Tokyo – Cliché Wikimedia Commons

On a parfois prétendu que le Souffleur à la pipe du Fuji Art Museum de Tokyo, des mêmes années (circa 1646) aurait pu être un pendant, comme le suggérait Pierre Rosenberg depuis 1972. Sans avoir le bagage de ce dernier, nous ne le pensons pas : d’abord car l’authenticité du tableau de Tokyo n’est pas encore certaine et nous paraît inférieure à la Jeune Fille. Ensuite parce que les dimensions, comme la palette chromatique diffèrent (mais les restaurations et altérations ont pu jouer…).

Quoiqu’il en soit, cette tendre fillette, auréolée de ténèbres et de poésie constitue un instant de poésie qui confine au chef-d’œuvre. Et finalement, 4,4 millions pour une œuvre qui n’a pas de prix, c’en est presque rassurant sur nos échelles de valeurs bouleversées par les lapins fluo gonflables et les recapitalisations de groupes dépecés. [M.B.]

  • En savoir plus : Site de la salle de vente Lempertz (en anglais)
Étiquettes : Dernière modification: 11 décembre 2020
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