Rédigé par 6 h 33 min CDs & DVDs, Critiques

La Favorite (Duphly, Mondonville – Jocelyne & Daniel Cuiller – Mirare)

La Favorite, Les Maîtres de Musique
Jacques DUPHLY (1715-1789)
Troisième Livre de pièces de clavecin : Ouverture – La de May – La Madin

Jean-Baptiste CARDONNE (1730-1792)
Premier Livre de Sonates pour le Clavecin avec accompagnement de Violon obligé
À Madame la Dauphine
Sonate IV « la Favorite » opus 3 “La Favorite”

Jean-Joseph CASSANÉA de MONDONVILLE (1711-1772)
Sonata V opus 4 – La Cacia

Armand Louis COUPERIN (1727-1789)
À Mademoiselle de Beauvau – Sonate III opus 2 en fa majeur

Jean-Baptiste CARDONNE (1730-1792)
À Madame la Dauphine – Sonate VI opus 3

Johann SCHOBERT (1735-1767)
À Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince de Conti
Sonata IV en ré mineur, Œuvre XIV

1 CD digipack Mirare, 60’55, 2023.

La Favorite. En faut-il une parmi ces sonates qui résonnent avec la suggestion argentine d’une manchette de dentelles, d’un sourire argentin, voire d’une cheville entrevue ? Daniel et Jocelyne Cuiller abordent ce répertoire avec poésie et tendresse, et ces sonates rococo (au sens chronologique et non péjoratif du terme), d’un baroque tardif qui abandonne l’intellect d’un contrepoint rigoureux pour les abandons mélodiques, sont à croquer comme autant de mignardises. Il y a du velouté chez Duphly le sensible, il y a de l’élégance chez Cardonne, il y a de la truculence bourrue chez Mondonville (una cacia reproduisant à l’unisson les appels du cors et qui n’est pas sans rappeler l’humour des géants claudiquants des Fêtes de Paphos), il y a de la brillance virevoltante des Armand Louis Couperin et enfin il y a du fantasque chez Schobert, à l’écriture d’un audacieux “bizarre” mais rassurez-vous marquise, on retombe tout de même sur la tonique, et les oreilles poudrées ne seront pas trop longtemps égarées. C’est un répertoire bien plus ardu qu’il n’y paraît, et qui a souvent souffert d’une sécheresse scolaire, que le duo violon et clavecin ne pardonne pas, car il n’y a pas d’autres remplissages, nul violoncelle, pas de théorbe, un face à face, un côte à côte, qui nécessite une complicité et une rigueur invisible.

Derrière la fluidité optimiste, les lignes gracieuses, cet art délicat et raffiné, proche d’une porcelaine de Vincennes ou d’une tabatière de Van Blarenberghe demande de la couleur, de la vivacité, du changement et un voile de gaze. Jocelyne Cuiller excelle au clavecin dans une rendition aérée, souple, d’un noble naturel, sur un instrument fin aux aigus moirés (nous n’en trouvons pas le détail) et aux graves plus doux. Son mari excelle chez Cardonne (Allegro et Andante magnifiques de rondeurs et d’éloquence), même si parfois le trait est un peu trop chirurgical comme chez Duphly (Ouverture très versaillaise mais un brin raide) ou avec des aigus geignards (Andante de la Sonate n°3 d’Armand-Louis Couperin). Il est également superbement inspiré dans la Sonate VI de Schobert qui conclut ce florilège et dénote une vraie originalité de composition que l’interprète souligne avec une bienveillance colorée. A ceux qui classaient ces sonates françaises comme des oeuvrettes de transition, bonnes à remplir les salons versaillais ou le Concert Spirituel, le couple Cuiller démontre de manière éclatante et pudique  qu’on peut être à la fois “équilibré et courtois” tout en sachant émouvoir.

 

Viet-Linh Nguyen 

 

Technique : excellente prise de son, très claire et équilibrée, avec juste ce qu’il faut de liant.

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 11 novembre 2023
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