Heinrich Schütz (1595-1672)
O bone Jesu SWV 471
Magnificat SWV 468
Historia Jesu Christi SWV 435
Andreas Hammerschmidt (1611-1675)
Machet die Tore weit
Ehre sei Gott in der Höhe
Alleluia
Freude
Michael Praetorius (1574-1621)
Es ist ein Ros entsprungen
Ensemble Vox Luminis
Direction Lionel Meunier
1 CD digipack. Enregistré en l’église Notre-Dame de Gedinne en juillet 2024, Ricercar / Outhere, 73’58
On ne présente plus ni Vox Luminis (et si par mégarde nos lecteurs ne sont pas déjà familiers de cet ensemble, nous les encourageons à un survol avec la parution du récent coffret anniversaire des 20 ans, comprenant tous les enregistrements réalisés avec Ricercar, Alpha Classics et Ramée entre 2007 et 2021 dont le superbe Musicalische Exequien de Schütz d’il y a plus de 10 ans), ni Schütz. Contentons-nous d’enfoncer des portes ouvertes : parmi des compositions destinées à la Cour de Dresde, l’Histoire de la Nativité (tout comme le Magnificat) comptent parmi les chefs d’oeuvre de la maturité, fusion souple et lumineuse de la tradition chorale “sérieuse” allemande couplée à un langage italien plus moderne. Rappelons que Schütz fit deux séjours à Venise, et rencontra Gabrieli et Monteverdi.
Par rapport à d’autres versions de référence, la pureté noble et intense d’un Andrew Parrott (Virgin), la sobriété colorée et sereine de Françoise Lasserre (K617, avec les récitatifs de l’Evangéliste dans une version sans les cadences), l’on goûte immédiatement ici un mélange d’opulence moirée, d’énergie sans nervosité, de vivacité spontanée. Lionel Meunier a reconstitué la partition à partir des sources manuscrites de l’Université d’Uppsala, car il existe 3 versions existantes. Il y ajoute son sel, celui de la lumière, du sourire, de l’espoir. Cette Histoire ne craint ni les saillies théâtrales (superbes cuivres et bois), ni l’espièglerie. Il y a une fraicheur, une allégresse, une homogénéité admirables qui lorgne parfois vers l’opéra, mais sans jamais se départir d’une intensité émotionnelle et d’une adéquation avec les affects qu’on ne se lasse pas de saluer. L’oeuvre est abordée comme un véritable arc narratif, même si on peut regretter des tempi parfois trop légers, et un excès de matière certes baroque, mais qui rapproche aussi cet essai des réalisations plus tardives de Carissimi. Or, rappelons-le, cette Histoire qui nous paraît si achevée constituait alors une expérimentation, précédée d’aucun autre modèle. Mais si, mais si, clamerons les musicologues : ils brandiront deux compositions du prédécesseur de Schütz, Rogier Michael : l’Historia der Geburt unsers Herren Jesu Christi et l’Historia von der Empfängnis unsers Herren Jesu Christi. Mais ces dernières étaient encore très polyphoniques et verticales, loin de l’incorporation des nouvelles innovations musicales venues d’Italie. Autre petit bémol, l’Evangéliste un peu trop animé de Florian Sievers, là où l’on aurait préféré la piété chaleureuse d’un Jan van Elsacker et son sens aigu de la déclamation, ou la sincérité grainé de Nigel Rogers. Ici le naturel bonhomme, presque conversationnel du ténor nuit un brin à la solennité et la sainteté de l’épisode. Loin d’une atmosphère caravagesque, cette rendition écarte résolument les ombres et adopte les cieux bienveillants, baignant dans une atmosphère mordorée, animée et douce digne d’un Berchem. Une nouvelle référence, dont on goûtera l’extraordinaire poésie. Le reste du disque est à l’avenant, avec en guise de mise en bouche des motets de son ami et contemporain Hammerschmidt, et le Magnificat festif, explosif et gourmand comme un jardin des délices.
Viet-Linh Nguyen
Technique : bon équilibre des pupitres, très belles textures instrumentales.
Étiquettes : Andreas Hammerschmidt, Lionel Meunier, Michael Praetorius, Muse : or, Ricercar, Schütz, Vox Luminis Dernière modification: 16 mars 2025