Jean-Henry d’ANGLEBERT (1635-1691)
Suites pour le clavecin
Laurent Stewart, clavecin Andreas Kilström, 2005, d’après un instrument de Joannes Rückers (1638).
72’, Zig-Zag Territoires, 2009.
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Riche et copieuse, la musique de Jean-Henry d’Anglebert est d’une confondante légèreté, tout en ornements, en agréments. Jamais virtuose à l’excès, souvent d’une densité machiavélique, elle sait nous enchanter très vite. Et il en va de même pour l’interprétation que donne Laurent Stewart de ces trois Suites pour clavecin, en sol majeur, ré mineur et sol mineur, extraites des Pièces pour clavecin publiées par le compositeur en 1689.
Pleines d’une maturité cembalique éclatante, les pièces sont dignement portées par le claveciniste, qui les approche avec une gracile humilité pleine d’allant. En effet, malgré la richesse des ornements et des agréments, la ligne ne se disperse pas et reste toujours tenue. On a parfois l’impression de voir une de ces machineries de scène qui font magiquement défiler un décor pour exprimer le mouvement, avançant inexorablement vers la destination, mais ici sans mécanisme (dans les Courantes, par exemple, notamment celles de la Suite en ré mineur qui semblent tissées d’un même fil, tenues du début de la première, jusqu’à la fin de la deuxième, après être passé par un double).
Mais qu’on ne se fasse pas d’idée fausse: cette tenue, cette mesure, cet élan n’empêchent pas au claveciniste de s’intéresser à toutes les diminutions, aux agréments que l’on rencontre pratiquement sur chaque temps : d’une perversion exemplaire, ils ne sont pas assénés car il n’y a pas de virtuosité flagorneuse dans le jeu de Stewart, sa grande subtilité s’intéressant avant tout à la ligne musicale, qui se trouve être traversée par des ornements, dont il ne se débarrasse cependant pas.
Le toucher du claveciniste est savamment équilibré, avec une main droite tantôt légère, dont on a l’impression que les doigts ne touchent qu’à peine le clavier (dans la Gigue de la Suite en Sol majeur), courant, voguant, survolant tout sans passer outre (le Prélude de la Suite en Ré mineur), tantôt plus affirmée, comme dans la Gavotte de la Suite en Ré mineur, avec un son qui n’est dans les aigus jamais aigre, toujours enveloppant, élégant, sautillant, parfois même d’une agréable mignardise. Et la main gauche vient habillement compléter sa partenaire, légère dans la même gavotte, conférant alors à la pièce un côté sautillant qui n’est pas amené par les notes hautes, ponctuant souvent avec sagesse les pièces plus graves, comme les sarabandes ou gaillardes, permettant d’avancer, de garder la ligne, sans lourdeur, avec la même souplesse agile, et avec un son ample, riche, d’une douce présence jamais effacée.
Un mot de surprise enfin, à propos de la jaquette qui ne reprend pas, comme de coutume les peintures mystérieuses et colorées d’Anne Peultier remplacée par un cliché brumeux et bien moins évocateur… Rendez-nous Anne et la signature de ZZT dans les bacs des disquaires !
Charles di Meglio
Technique : prise de son agréable et très charnelle