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mise à jour 6 janvier 2014
| Choeur
[I, 241]
Morceau d'harmonie complette à quatre
Parties ou plus, chanté à la fois par toutes les voix, & joué par tout
l'Orchestre. On cherche dans les Choeurs un bruit agréable & harmonieux,
qui charme & remplisse l'oreille. Les François passent, en France, pour réussir
mieux dans cette partie, qu'aucune autre Nation de l'Europe. Le Choeur, dans la
Musique Françoise, s'appelle quelquefois grand Choeur, par opposition au petit
Choeur, qui est seulement composé de trois
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Parties, sçavoir, deux-Dessus & la
Haute-Contre qui leur sert de Basse. On fait, de tems en tems, entendre séparément
ce petit Choeur, dont la douceur contraste agréablement avec la bruyante
harmonie du grand. On appelle encore petit Choeur, à l'Opéra, un certain
nombre de meilleurs instruments de chaque genre, qui forment comme un petit
Orchestre particulier autour du Clavecin & de celui qui bat la mesure. Ce
petit Choeur est destiné pour les Accompagnemens, qui demandent le plus de délicatesse
& de précision. Il y a des Musiques à deux ou plusieurs Choeurs, qui se répondent
& chantent quelquefois tous ensemble. On en peut voir un exemple dans l'Opéra
de Jephté. Mais cette pluralité de Choeur simultanée, qui se pratique assez
souvent en Italie, est peu utilisée en France : on trouve qu'elle ne fait pas
un bien grand effet ; que la composition n'en est pas fort facile, & qu'il
faut un grand nombre de Musiciens pour l'exécuter.
CHOEUR,
signifie un ou plusieurs Acteurs qui sont supposés Spectateurs de la Piéce,
mais qui témoignent de tems en tems la part qu'ils prennent à l'action, par
des discours qui y sont liés, sans pourtant en faire une partie essentielle. Le
Choeur, chez les Grecs, étoit une des parties de quantité de la Tragédie. Il
se partageoit en trois parties, qu'on appelloit Parodos,
Stasimon & Commoi.
Voyez ces mots.
La Tragédie n'étoit, dans son origine,
qu'un Choeur qui chantoit des Dithyrambes en l'honneur de Bacchus, sans autres
Acteurs qui décla-
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massent. Thespeis, pour soulager le Choeur,
ajouta un Acteur qui récitoit les aventures de quelque Héros. A ce Personnage
unique, Eschyle en ajouta un second, & diminua les Chants pour donner plus
d'étendue au Dialogue. On nomma Episode ce que nous appellons aujourd'hui
Actes, & qui se trouvoit renferné entre les Chants du Choeur. Voyez
ÉPISODE & ACTE.
Mais quand la Tragédie eut commencé à
prendre une meilleure forme, ces Récits ou Episodes, qui n'avoient été imaginés
que comme un accessoire pour laisser reposer le Choeur, devinrent eux-même la
partie principale du Ppëme Dramatique, dont, à son tour, le Choeur ne fut plus
que l'accessoire. Les Poëtes eurent seulement l'attention de ramener au sujet
ces Chants qui, auparavant, étoient pris de sujets tout différens. Il y eut dès-lors
unité dans le Spectacle. Le Choeur devint partie intéressée dans l'action,
quoique d'une maniere plus éloignée que les Personnages qui y concouroient.
Ils rendoient la Tragédie plus réguliere & plus variée ; plus réguliere,
en ce que, chez les Anciens, le lieu de la Scène étoit toujours le devant d'un
Temple, d'un Palais, ou quelqu'autre endroit public ; & l'action se passant
entre les premieres personnes de l'Etat, la vraisemblance exigeoit qu'elle eût
beaucoup de témoins, qu'elle intéressât tout un peuple ; & ces témoins
formoient le Choeur.
De plus, il n'est pas naturel que des gens
intéressés à l'action, & qui en attendent l'issue avec impatience,
restent toujours sans rien dire. La raison veut, au contraire, qu'ils
s'entretiennent de
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ce qui vient de se passer, de ce qu'ils
ont à craindre ou à espérer, lorsque les principaux Personnages, en cessant
d'agir, leur en donnent le tems ; & c'est aussi ce qui faisoit la matiere
des chants du Choeur. Ils contribuoient encore à la variété du Spectacle par
la Musique & l'Harmonie, par les Danses, &c. Ils en augmentoient la
pompe par le nombre des Acteurs, la magnificence & la diversité de leurs
habits ; & l'utilité, par les instructions qu'ils donnoient aux
Spectateurs. Voilà quels étoient les aventages des Choeurs dans l'ancienne
Tragédie ; avantages que les Partisans de l'antiquité ont fait valoir en
supprimant les inconvéniens qui en pouvoient naître. En effet, ou le Choeur
parloit, dans les entr'Actes, de ce qui s'étoit passé dans les Actes précédens,
& c'étoit une répétition fatiguante ; ou il prévenoit ce qui devoit
arriver dans les Actes suivans, & c'étoit une annonce qui pouvoit dérober
le plaisir de la surprise ; ou enfin il étoit étranger au sujet, & par
conséquent il devoit ennuyer. La présence continuelle du Choeur, dans la Tragédie,
paroït encore plus impraticable. L'intrigue d'une Piéce intéressante, exige
d'ordinaire que les principaux Acteurs ayent des secrets à confier ; & le
moyen de dire son secret à tout un peuple ? Comment Phédre, dans Euripide,
peut-elle avouer à une troupe de femmes un amour incestueux, qu'elle doit
craindre s'avouer à elle même ? Comment les Anciens conservoient ils si
scrupuleusement un usage si sujet au ridicule ? C'est que le Choeur étant
l'origine de la Tragédie, ils étoient persuadés qu'il devoit en être la
base.
[245]
Le Choeur, ainsi incorporé à l'action,
parloit quelquefois dans les Scènes par la bouche de son Chef appellé Choryphée.
Dans les Intermèdes, il donnoit le ton au reste du Choeur, qui remplissoit par
ses chants tout le tems que les Acteurs n'étoient point sur la Scène ; ce qui
augmentoit la vraisemblance & la continuité de l'action.
Outre ces Chants qui marquoient la
division des Actes, les Personnages du Choeur accompagnoient quelquefois les
plaintes & les regrets des Acteurs sur des accidens funestes arrivés dans
le cours d'un Acte ; rapport fondé sur l'intérêt qu'un peuple prend ou doit
prendre aux malheurs de son Prince.
Dans la Tragédie moderne, on a supprimé
les Choeurs, si nous en exceptons l'Athalie & l'Esther de Racine, & l'OEdipe
de M. de Voltaire. Les violons y suppléent. On a blâmé ce dernier usage qui
ôte à la Tragédie une partie de son lustre. On trouve ridicule que l'action
tragique soit coupée & suspendue par des Sonates de Musique instrumentale.
Le grand Corneille répond à ces objections, que cet usage a été établi pour
donner du repos à l'esprit, dont l'attention ne pourroit se soutenir pendant
cinq Actes, & n'est point assez relâchée par les Chants du Choeur, dont le
Spectateur est obligé d'entendre les moralités ; que de plus, il est bien plus
facile à l'imagination de se figurer un long terme écoulé dans nos entr'Actes,
que dans les entr'Actes des Grecs, dont la mesure étoit plus présente à
l'esprit ; qu'enfin la constitution de la Tragédie moderne est de ne point
avoir de Choeurs sur le Théâtre, au moins pendant toute la Piéce.
[246]
Voyez avec quel art Racine & M. de
Voltaire les ont introduits ! Il n'y paroît qu'à son tour, & seulement
lorsqu'il est nécessaire à l'action, ou qu'il peut contribuer à l'ornement de
la Scène. Le Choeur seroit absolument déplacé dans Bajazet, dans Mithridate,
dans Britannicus, & généralement dans toutes les Piéces dont l'intrigue
n'est fondée que sur les intérêts de quelques Particuliers.
Quand le Choeur ne faisoit que parler, un
seul parloit pour toute la troupe ; Voyez CHORIPHEE : mais quand il chantoit, on entendoit chanter ensemble tous ceux qui
composoient le Choeur. Le nombre de Personnages monta jusqu'à cinquante
personnes : mais Eschyle ayant fait paroître dans un de ces Choeurs une troupe
de Furies qui parcouroient la Scène avec des flambeaux allumés, ce spectacle
fit tant d'impression, que des enfans en moururent de frayeur, & que des
femmes grosses accouchèrent avant terme. Les Magistrats réduisirent alors le
Choeur à quinze personnes.
Dans la Comédie ancienne, il y avoit un
Choeur que l'on nommoit Grex. Ce n'étoit d'abord qu'un Personnage qui parloit
dans les entr'Actes. On en ajouta successivement deux, puis trois, & enfin
tant, que ces Comédies anciennes n'étoient presque qu'un Choeur perpétuel,
qui faisoit aux Spectateur des leçons de vertu. Mais les Poëtes ne se
continrent pas toujours dans ces bornes. Les Choeurs furent composés ou de
Personnages satyriques, ou de Personnages qui recevoient des traits de satyre,
qui rejaillissoient indirectement sur les principaux Citoyens. L'abus fut porté
si
[247] loin en ce genre, que les Magistrats supprimerent les Choeurs dans la Comédie ; & on n'en trouve point dans la Comédie nouvelle.
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