Rechercher
- Newsletter
-
Qui sommes-nous ?
-
Espace Presse - FAQ
-
Contacts -
Liens
- |
mise à jour 20 janvier 2014
| Genre : musique de chambre Louis-Gabriel GUILLEMAIN (1705–1770) Amusements Premier livre de sonates, op. 1 : Largo de la première sonate. Premier amusement à la mode pour deux violons ou flûtes et basse, op. 8. Troisième livre de sonates à violon seul, op. 11 : Sonate en ré ; "La Chasse". Pièces de clavecin en sonates avec accompagnement de violon, op. 13 : Sonate en sol. Deuxième divertissement de symphonies en trio, op. 15. Amusements pour le violon seul, op. 18 : Gratioso "Musette", Allegretto, Minuetto e altro, "La Chasse", Furstemberg, Tamborino altro, Cadence du XIIe Capriccio.
Aliquando Stéphanie Paulet, violon et direction Maude Gratton, clavecin Lucile Boulanger, basse de viole François Lazarevitch, flûte et musette Claire Gratton, violoncelle Bérangère Maillard, second violon
68’37, Muso, 2012.
Un homme plein de feu, de génie et de vivacité
Musicien adulé et respecté de son temps, il se replie sur lui-même à la fin de sa vie, péchant par goût du luxe, incapable de maîtriser son économie domestique, "en proie à un certain penchant à la misanthropie et à l’alcoolisme" (T. Vernet), se décrivant lui-même dans une lettre au comte de Saint-Florentin en 1762 comme "premier violon du roi, (…) le plus malheureux de sa musique". Il finira percé de quatorze coups de couteau sur la route de Versailles, aux environs de Chaville — on suppose un suicide. Ce portrait d’un homme rongé par le mal de vivre contraste grandement non seulement avec son succès en tant que musicien — protégé par la Cour, en particulier par la marquise de Pompadour — mais aussi avec ses œuvres, marquées à la fois par l’élégance et la virtuosité. Son opus 18, cet Amusement pour le violon seul, composé de plusieurs airs variés de différents auteurs, suivi de douze Caprices, dont Stéphanie Paulet livre ici plusieurs pièces, exige autant de musicalité que d’aplomb technique. L’ensemble Aliquando, dirigé par la violoniste Stéphanie Paulet, a puisé dans la production de Guillemain des œuvres qui varient les formation : violon seul, violon et basse, deux dessus (violons ou violon et flûte) et basse, et même une sonate pour violon et clavecin obligé, une nouveauté pour l’époque. Malgré cela, le programme ne donne pas une impression de disparité, car Stéphanie Paulet a eu la judicieuse idée d’intercaler les pièces pour violon seul entre les pièces d’autres effectifs. Entre ? Pas uniquement, puisque l’allegro "La Chasse" figure à la fois dans le Troisième livre op. 11 et l’Amusement op. 18, et qu’une combinaison des deux versions est proposée ; de même, un tambourin du même opus 18 est inséré entre les deux tambourins du Premier amusement op. 8 ; enfin, la cadence de l’Ouverture du Deuxième divertissement est tirée du XIIe Caprice de cet opus 18. De tels "montages" ne s’entendent pas comme tels et font en fait du violon soliste un fil conducteur de l’ensemble du disque. L’ensemble Aliquando n’est pas de ces ensembles dont la seule qualité est un son amène qui bercerait l’auditeur, loin de là. Le son est beau, mais "sans plus" ; d’ailleurs, l’équilibre entre les fois semble parfois précaire — sans jamais pour autant être rompu — et exige une certaine concentration. On ne peut pas non plus nier une certaine raideur, par moments, contre-équilibre d’une grande netteté des attaques et des lignes. La basse est toujours claire, qu’elle soit confiée à Lucile Boulanger ou à Claire Gratton. La présence de la flûte et de la musette apporte çà et là une note de couleur d’autant mieux venue qu’elle est délicate — c’est François Lazarevitch qui les joue. Au clavecin, tenant tantôt la basse continue, tantôt une partie "obligée", Maude Gratton se révèle une comparse idéale dans la mise en valeur de l’écriture ; son toucher est celui que nous lui connaissons, puissant et inventif. Quant à Stéphanie Paulet, elle aussi omniprésente, son violon est aussi sûr musicalement que techniquement ; le son en est souvent touchant et terriblement humain. Mais les qualités d’Aliquando sont ailleurs, elles, sont plus inédites. C’est d’abord une science de la construction du programme : il est peu de disques qui parcourent ainsi tant de chants sans jamais paraître longs, et qui s’écoutent d’une traite. On ne peut qu’admirer le choix des œuvres, qui semblent toutes au moins intéressantes et agréables, voire franchement passionnantes — la sonate des Pièces de clavecin avec accompagnement de violon, par exemple, nous semble une œuvre de premier plan, dont le dernier mouvement, par exemple, n’est pas sans rappeler les sonates pour même formation de Johann Sebastian Bach et les Pièces de clavecin en concert de Jean-Philippe Rameau. Cette dramaturgie de l’ensemble du disque se retrouve à l’échelle des pièces elles-mêmes ; chacune marque une claire progression. À cet égard, la chaconne qui clôt le disque et surtout les variations sur la Furstemberg sont exemplaires. On admire aussi le sérieux avec lequel la musique est jouée, ne la réduisant pas, contrairement à ce que pourrait laisser imaginer le titre du disque, "Amusements", à de simples badinages : la qualité contrapuntique des œuvres et la variété des motifs musicaux sont admirablement mises en valeur. D’où peut-être ce sentiment de légère raideur qui se dégage parfois : rien n’est cédé au décoratif. Pour autant, le propos n’est pas non plus inexpressif, bien au contraire : les expressions sont variées, du quasi fuorioso et un peu éperdu du premier allegro de la sonate en ré du Troisième livre à la douceur méditative de l’Allegretto de l’Amusement, de la légèreté innocente des du premier passepied du Premier amusement à la fermeté allègre de "La Chasse". On vogue entre les ambitions théâtrales de pièces comme la Pantomime du Deuxième divertissement à l’intimité inspirée des pièces pour violon seul, guidé par le violon aussi assuré qu’émouvant de Stéphanie Paulet, qui se joue de toutes les difficultés, qu’elles soient musicales ou techniques. S’il faut prendre le temps d’y entrer, ce portrait musical de Louis-Gabriel Guillemain témoigne d’un goût musical très sûr de l’ensemble Aliquando aussi bien dans le choix de ses fréquentations que dans son interprétation. Il ne se contente pas de combler un manque dans la discographie, il le fait avec sérieux et brio. C’est une fort belle manière.
Technique : captation claire au jolis timbres.
|
Affichage minimum recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
|