Rechercher Newsletter  - Qui sommes-nous ? - Espace Presse - FAQ - Contacts - Liens -   - Bookmark and Share

 

mise à jour

6 janvier 2014

Editorial

Brèves

Numéro du mois

Agenda

Critiques CDs

Critiques concerts

Interviews

Chroniques 

Tribune

Articles & Essais

Documents

Partitions

Bibliographie

Glossaire

Quizz

 

 

Chronique Concert

Vivaldi, Orlando Furioso,

Ensemble Matheus, dir. Jean-Christophe Spinosi,

mise en scène Pierre Audi

© Opéra National de Lorraine

Antonio VIVALDI (1678 - 1741)

 

Orlando Furioso, 1727 (RV 728)

Dramma per musica in tre atti

Livret adapté de Grazio Bracioli, d'après l'Arioste

(version originale de 1727)

 

Marie-Nicole Lemieux (Orlando), Jennifer Larmore (Alcina), Veronica Cangemi (Angelica), Max-Emanuel Cencic (Ruggiero), Christian Senn (Astolfo), Kristina Hammarström (Bradamante), Tuva Semmingsen (Medoro)

 

Orchestre Ensemble Matheus

Choeur de l'Opéra National de Lorraine

Direction Jean-Christophe Spinosi

 

Mise en scène : Pierre Audi

Dramaturgie : Willem Bruls

Costumes et décors : Patrick Kinmonth

Lumères : Peter van Praet

 

24 juin 2011, Opéra National de Lorraine à Nancy

horizontal rule

Un Orlando contrasté

Nous avions rendu compte il y a quelques semaines dans ces colonnes de la représentation d'Orlando Furioso au Théâtre des Champs-Elysées. Toutefois, Marie-Nicole Lemieux qui devait assurer le rôle-titre était souffrante ce soir-là. En outre, l'Opéra national de Lorraine proposait deux variantes de la distribution parisienne, avec Max-Emanuel Cencic en Ruggiero, et Tuva Semmingsen en Medoro. Dans ces conditions la tentation était grande d'aller réécouter cette production, et de se refaire une opinion sur la direction du maestro Spinosi, qui nous avait laissé quelque peu dubitatif, sans s'attarder trop dans ce compte-rendu sur la mise en scène raffinée de Pierre Audi, que nous avions déjà décrite en mars, toute de noir et blanc vénitien, de masques et de chassés-croisés.

Tout d'abord, on ne saurait trop dire à quel point Marie-Nicole Lemieux incarne de manière saisissante le personnage d'Orlando. Bien sûr son timbre androgyne est un atout considérable pour la crédibilité du rôle. Elle le renforce par une apparence totalement travestie, poitrine bandée dans des vêtements amples, tandis qu'une petite barbichette postiche au menton achève de donner à son visage une apparence virile...Son jeu théâtral est à lui seul un spectacle : larges déplacements, emportements de fureur (comme lorsqu'elle renverse les chaises au premier acte)... Au plan vocal, sa projection ample, sa diction précise et sa maîtrise des ornements en font aussi un Orlando de rêve, comme elle le montrera dans ses principaux airs ("Nel profondo cieco mondo", précédé d'un superbe récitatif et à la reprise étourdissante, la fureur déchaînée du "Troppo e fiero", la foce brute de l'air de la caverne, le long récitatif où la jalousie confine à la démence "Ah, sleale...Angelica e Medoro, amanti e sposi"). Tant et si bien que l'on a envie de s'écrier : Bravo, madame Lemieux !

© Opéra National de Lorraine

Sans surprise, la prestation de Max-Emanuel Cencic est également de haut vol. Le "Sol da te mio dolce amore" est abordé avec un timbre ouaté, qui répond délectablement à la flûte ; la reprise un peu plus incisive, dans un abandon qui confine à l'extase. Au second acte le "Che bel morirti in sen" est un moment de bonheur absolu, qui s'appuie sur une ligne de chant particulièrement stable et une diction sans faille. Enfin le "Come l'onde" donne lieu au troisième acte à un impressionnant morceau de bravoure, dont le contre-ténor affronte avec une facilité déconcertante les aigus redoutables. Dans ces conditions, il serait hasardeux d'établir une quelconque hiérarchie avec la prestation de Philippe Jaroussky au TCE, qui nous avait également ravi, et il faut en conclure qu'il existe au moins deux contre-ténors qui peuvent actuellement incarner le rôle de Ruggiero avec un talent proche de la perfection, ce dont nos délicates oreilles baroques auraient mauvaise grâce à se plaindre !

Après un début un peu guindé ("Alza in quegl'occhi"), Jennifer Larmore (Alcina) clôt superbement le premier acte sur un "Amorose ai rai del sole" attendri, bien servie par un orchestre à l'unisson de sa voix. Son "Vorresti amor da me" est très expressif. Mais malgré un superbe prélude musical le "Cosi potessi anch'io" est littéralement haché par l'orchestre, mettant à mal la chanteuse qui peine à retrouver sa respiration. La reprise fut encore plus périlleuse, avec une ligne de chant parfois en décalage total avec la musique... Le public ne voulut toutefois en retenir que les meilleurs instants, en applaudissant généreusement l'air. Au troisème acte, le "Andero, chiamero dal profondo" est malheureusement expédié à un rythme d'enfer, tiré par un orchestre trop impétueux.

© Opéra National de Lorraine

Veronica Cangemi (Angelica) souffre également de ces débordements de l'orchestre : le "Tu sei degl'occhi miei" amplifie désagréablement une direction trop mécanique qui brise la ligne de chant. Elle donne au contraire toute sa mesure sur des airs plus fluides ("Un raggio di speme"), et triomphe dans le "Chiara al pari di lucida stella". Kristina Hammarström (Bradamente) se laisse elle aussi gagner par les rythmes mécaniques de l'orchestre("Ascondero il mio sdegno"), à son désavantage évident, mais vite corrigé par un "Taci, non ti lagnar" fort convaincant et surtout son abattage impressionnant dans le "Se cresce un torrente". L'Astolfo de Christian Senn n'échappe pas à cette alternance du meilleur et du moins bon : le timbre profond et charnu, à la projection ample et aux graves généreux, fait merveille au premier acte ("Costanza tu m'insegni") lorsqu'il est bien servi par l'orchestre, mais sombre dans les rythmes mécaniques de ce dernier pour le "Benché nasconda" au second acte. La ligne de chant du beau "Dove il valor combatte" tend à se noyer dans la rapidité démesuré du tempo mais s'achève tout de même sur un beau final. En revanche Tuva Semmingsen (Medoro), avec une ampleur vocale un peu limitée, n'arrive pas à se départir du rythme mécanique imprimé par l'orchestre ("Rompo i ceppi"), tandis que "Qual candido fiore" est trop rapidement avalé pour qu'on puisse l'apprécier.

Ces contrastes marqués dans notre appréciation reflètent de près ceux de la direction de Jean-Christophe Spinosi. On peut relever que les parties proprement orchestrales (l'ouverture, les préludes de certains airs) sont d'une très grande qualité, où la fluidité de l'Ensemble Matheus atteint une grâce toute aérienne. Mais lorsque la voix s'y mêle les attaques orchestrales deviennent généralement trop marquées, contrariant inexorablement la ligne de chant, au lieu de faire corps avec elle et de la mettre en valeur ...A contrario, dans les (trop rares) moments où chanteur et orchestre semblent s'accorder, on atteint des sommets d'interprétation. On ne peut alors s'empêcher de s'interroger sur ce qui pousse le maestro Spinosi à s'écarter ainsi de ce qui pourrait constituer une interprétation de référence pour cette œuvre majeure du Prete Rosso.

 

Bruno Maury

Site officiel de l'Opéra National de Lorraine : www.opera-national-lorraine.fr

14 mars 2011- Théâtre des Champs Elysées, Paris : Antonio Vivaldi, Orlando Furioso, Marie-Nicole Lemieux/Dalphine Galou, Jennifer Larmore, Verónica Cangemi, Philippe Jaroussky, Christian Senn, Christianne Stotijn, Romina Basso, Esemble Matheus, dir. Jean-Christophe Spinosi, mise en scène Pierre Audi

Antonio Vivaldi, Orlando Furioso, Anne Desler, Nicki Kennedy, Marina De Liso, Lucia Sciannimanico, Luca Dordolo, Thierry Gregoire, Martin Kronthaler, Ensemble Modo Antiquo, dir. Federico Maria Sardelli (CPO, 2008)

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

Muse Baroque, le magazine de la musique baroque

tous droits réservés, 2003-2014