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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Vivaldi, Orlando Furioso, Ensemble Matheus, dir. Jean-Christophe Spinosi, mise en scène Pierre Audi
Jean-Christophe Spinosi - DR Antonio VIVALDI (1678 - 1741)
Orlando Furioso, 1727 (RV 728) Dramma per musica in tre atti Livret adapté de Grazio Bracioli, d'après l'Arioste (version originale de 1727)
Delphine Galou (Orlando), Jennifer Larmore (Alcina), Veronica Cangemi (Angelica), Philippe Jaroussky (Ruggiero), Christian Senn (Astolfo), Kristina Hammarström (Bradamante), Romina Basso (Medoro)
Orchestre Ensemble Matheus Choeur du Théâtre des Champs-Elysées Direction Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène : Pierre Audi Dramaturgie : Willem Bruls Lumières : Peter van Praet
14 mars 2011, Théâtre des Champs Elysées, Paris Trop d'emballement nuit à la furie... Dès la première publication du poème de l'Arioste en 1517, celui-ci inspira le répertoire lyrique. On peut citer ainsi un premier opéra de Marco da Gagliano et Jacopo Peri dès 1619, puis pour les compositeurs plus connus le Roland de Lully ou encore l'Orlando de Haendel. En 1713, alors directeur du Teatro Sant'Angelo, Antonio Vivaldi y fit représenter un Orlando furioso de Giovanni Alberto Ristori, sur un livret de Braccioli. Le succès de l'œuvre incita le Prete Rosso à entreprendre un opéra sur le même thème et avec le même librettiste : Orlando finto pazzo. Celui-ci n'eut malheureusement aucun succès, de sorte que Vivaldi remit à l'affiche dès la fin 1714 l'opéra de Ristori, après avoir procédé à quelques remaniements. Ce n'est qu'en 1727 qu'il reprit entièrement le sujet à son compte, toujours sur la base du livret de Braccioli, nous livrant ce qui constitue probablement l'un des chefs-d'œuvre de sa production lyrique. C'est cette version de 1727 que nous proposait l'autre soir le Théâtre des Champs-Elysées, sachant qu'entre-temps l'enregistrement réalisé par Claudio Scimone (avec Maryline Horne dans le rôle-titre) en 1977, malgré la flamboyance musicale et vocale qui en ont fait le succès, comportait de nombreuses coupures et interpolations d'airs sans compter une approche stylistiquement plus que datée, et que l'enregistrement de Spinosi de 2004 (Naïve) avec sensiblement le même plateau, avait provoqué l'enthousiasme des mélomanes. Malheureusement ce soir-là Marie-Nicole Lemieux était souffrante et ne pouvait chanter son rôle. Elle le joua cependant sur scène, tandis que la jeune contralto Delphine Galou chantait les airs de Rolando depuis la fosse d'orchestre. Disons d'emblée que la direction de Jean-Christophe Spinosi à la tête de l'Ensemble Matheus nous a laissé quelque peu perplexes. L'orchestre s'avère homogène et de haut vol, les cordes d'une fluidité nerveuse. Mais pourquoi tirer par moments les tempi à une rapidité telle que les chanteurs ne peuvent plus articuler correctement les paroles, se livrant à des ornements mécaniques, tandis que la musique dévale, irrépressible, à la vitesse d'un torrent furieux ? Le récitatif et l'air d'Orlando au premier acte ("Nel profondo cieco mondo"), celui d'Alcina à la fin du même ("Amarose ai rai del sole"), l'air d'Orlando au second acte ("Sorge l'irato nembo"), l'air d'Astolfo à l'acte III ("Dove il valor combatte") ou la cavatine d'Alcina ("Andero, chiamero dal profondo") constituent les principales victimes de cette impétueuse furie musicale. Et pourtant ! Quand l'orchestre consent à se poser, on atteint des moments sublimes : le magnifique air de Ruggiero au premier acte ("Sol da te mio dolce amore"), longuement (et à juste titre !) applaudi, l'air d'Angelica ("Chiara al pari di lucida stella"), celui de Ruggiero ("Che bel morirti in sen") ou encore celui d'Alcina ("Cosi potessi anch'io") au second acte révèlent les profondeurs insoupçonnées de l'orchestre, et mettent pleinement en valeur les interprètes. Alors, pourquoi tant d'emportement ?
© Alvaro Yanes La mise en scène élégante et racée de Pierre Audi - loin de l'abstraction de ses Monteverdi - a replacé l'œuvre dans le contexte d'un carnaval vénitien du XVIIIème, avec ses masques et ses salons, son mobilier roccoco et ses lustres de cristal. Soit, mais l'Arioste n'est pas Marivaux, et le drame qui se joue sous nos yeux (et qu'incarne avec énergie Marie-Nicole Lemieux sur scène, même si elle reste muette pour la raison mentionnée plus haut) semble quelque peu disproportionné dans sa violence pour un chassé-croisé amoureux de carnaval... Ajoutons que le parti pris au troisième acte d'affubler à peu près tous les personnages des mêmes costumes gris sombre ne facilite pas hélas la compréhension du déroulé de l'action. Le plateau d'interprètes s'annonçait comme de haut vol, et malgré le remplacement de dernière minute de Marie-Nicole Lemieux nous n'avons pas été déçus. Delphine Galou (Orlando) possède un timbre un peu nacré pour le rôle, doté à l'occasion de belles profondeurs, et une bonne diction qui nous ravirent dans son premier air ("Troppo è fiero, il Nume Arciero"), ainsi que dans le récitatif de la caverne (au second acte). Sa tentative pour sauvegarder la majesté de son air "Sorge l'irato nembo" face à la déferlante de l'orchestre est touchante, même si elle n'y parvient pas entièrement. Jennifer Larmore campe une Alcina de chair et de sang (Cosi potessi anch'io"), même si son timbre manque parfois de stabilité. Mais les élans importuns des tempi la déstabilisent régulièrement ("Amorose ai rai del sole", "Andero, chiamero dal profondo"). Elle avait pourtant plongé sans hésiter dans les ornements vertigineux du "Alza in quelli occhi" (permier acte) et dans ceux du "Vorresti amor da me" (second acte), remarquable d'espièglerie. Veronica Cangemi (Angelica) applique à son timbre cuivré de beaux accents qui mettent en valeur les nuances. Aussi est-elle à la peine lorsque l'orchestre la presse trop, comme au premier acte ("Un raggio di speme", et surtout "Tu sei degl'occhi miei", moment d'abandon trop vite survolé). Elle tiendra sa revanche au second acte, dans l'éclatant "Chiara al pari di lucida stella", sublime prière aux ornements appuyés. La Bradamente de Kristina Hammarström est animée d'un emportement convaincu qui s'appuie sur un bon abattage ("Taci, non ti lagnar", le terrible "Se cresce un torrente" au second acte), même si la diction est parfois défaillante ("Ascondero il mio sdegno"). Du côté des rôles masculins, à tout seigneur tout honneur, commençons par Philippe Jaroussky, autre grande voix attendue de cette soirée, qui incarnait Ruggiero. Disons d'emblée qu'il semble être le seul à avoir su "domestiquer" l'orchestre, fruit probable de sa collaboration antérieure avec Jean-Christophe Spinosi. S'appuyant sur une diction et une technique irréprochables, le résultat est superbe, qu'il s'agisse du "Sol da te mio dolce amore" au premier acte (impressionnant duo avec la flûte, nuances pleines d'abandon) ou du "Che bel morirti in sen" au second. L'Astolfo de Christian Senn possède un timbre profond et assuré, qui renforce sa puissance furieuse dans le "Benche nascondo" (second acte). Au troisième acte il ne résistera toutefois pas à l'emportement de l'orchestre ("Dove il valor combatte") : malgré de généreuses attaques, la diction s'effrite inexorablement au rythme d'un débit trop rapide. Enfin le Medoro de Romina Basso possède une diction impeccable, une bonne ampleur et une agilité surprenante dans les aigus. Si son rôle est assez court, ses deux airs ("Rompo i ceppi, e in lacci io torno", et le magnifique "Qual candido fiore") sont de vrais moments de bonheur. Encore une fois avec une telle "dream team" côté interprètes, on ne peut que regretter les emballements inopportuns de l'orchestre qui empêchent de savourer pleinement chaque moment de ce chef d'œuvre du Prete Rosso...
Au Théâtre des Champs-Elysées, les 16, 18, 20, 22 mars 2011. Sur Mezzo vendredi 18 mars. Sur France Musique samedi 7 mai.
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