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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Vivaldi, Armida Concerto Italiano, dir. Rinaldo Alessandrini
Rinaldo Alessandrini - D.R.
Antonio Vivaldi (1678 – 1741)
Armida Drama per musica sur un livret de Giovanni Palazzi
Sara Mingardo, Armida, princesse royale de Damas Furio Zanassi, Le Calife, roi d'Egypte Monica Bacelli, Osmira, nièce du Calife Raffaella Milanesi, Erminia, princesse royale d'Antioche Marina Comparato, Emireno, général Romina Basso, Adrasto Matín Oro, Tisaferno
Concerto Italiano, dir. Rinaldo Alessandrini
Version de concert, 10 Octobre 2009, Salle Pleyel, Paris. Vivaldi au ralenti Armide… ce nom nous rappelle la tragédie éponyme de Jean-Baptiste Lully donnée l'an passé au Théâtre des Champs-Elysées ; ressurgissent alors les nuisettes rouge vif et la mise en scène – plus ou moins décriée – de Robert Carsen. Mais Rinaldo Alessandrini aura pris soin de nous préserver de toute surprise en choisissant de ne produire qu'une version de concert. Revenons un instant sur le personnage principal : nombreux sont les compositeurs qui créèrent des opéras autour de la magicienne, fascinante par son emprise séductrice sur tous les hommes, excepté celui qu'elle aime. Mais contrairement à Gluck, Haydn ou Rossini – qui prirent comme élément moteur les amours d'Armide et du chevalier chrétien Renaud -, le Prêtre roux a choisi de centrer son ouvrage sur la vengeance de celle-ci et sa volonté de conquérir un nouveau cœur. Se dessine en toile de fond le thème du poème épique La Jérusalement délivrée (écrit en 1581 par Il Tasso) qui servit de point de départ à l'intrigue avec l'enjeu de libérer la ville sainte. Les musiciens entrent sur scène et s'accordent rapidement, suivis quelques instants plus tard par les chanteurs tout de noir vêtus, hormis Marina Comparato qui pour son rôle de Général a revêtu une veste rouge écarlate. Alessandrini fait également son entrée, salue et ouvre aussitôt l'opéra avec vigueur ; ses gestes quelque peu emphatiques sont incisifs, le chef manie son orchestre avec une grande rigueur et le fait réagir à la moindre inflexion. Il Concerto Italiano nous offre dans l'Ouverture d'apprécier à la fois sa précision d'attaque, sa grande homogénéité et le moelleux de ses cordes qui, dans la seconde partie, déploient avec limpidité la phrase mélodique, semblable à une mer d'huile. Se succèdent ensuite récitatifs et airs auxquels se mêlent quelques chœurs et ce, durant près de trois heures et demies. Les récitatifs justement occupent une place prépondérante afin de faire avant un récit très riche mais c'est parfois au détriment de l'intérêt musical que devrait susciter l'œuvre. Une de ses singularités réside dans la distribution qui confie cinq des sept rôles à des voix d'alto (féminines et masculines) ; cette particularité donne à l'opéra une couleur suave et un peu orientale. C'est probablement la voix de Romina Basso qui illustre le mieux cet aspect : charnue et puissante, ténébreuse dans les graves et rayonnante dans les aigus, avec un registre très égal. L'italienne campe un Adrasto sensible et passionné mais non dépourvu de faiblesses quant à ses sentiments. Elle témoigne d'une remarquable aisance dans les vocalises et d'une grande inventivité dans l'ornementation. L'Armide de Sara Mingardo charme par la clarté de sa prononciation et sa souplesse vocale ; dans les vocalises, chaque note trouve sa place au sein d'une ligne mélodique solide et bien menée. Elle semble pourtant ne pas incarner son personnage avec autant d'application (et d'implication) que le fit Stéphanie d'Oustrac, attachant une certaine légèreté à tous les événements, qu'il s'agisse du moment où elle accuse faussement Esmireno d'avoir voulu abuser de sa vertu ou du dénouement au cours duquel elle confesse ses méfaits avec une grand facilité. C'est là un reproche que l'on peut adresser à presque tous les chanteurs de ce soir : tous se tiennent bien droit devant leur pupitre et ne quittent la partition des yeux qu'à de bien rares moments, excluant l'auditeur du drame qui se joue. D'où une certaine lassitude, malgré la beauté des voix. Marina Comparato et Raffaella Milanesi dérogent parfois à cette règle ; la première n'est pas sans défauts vocaux mais elle a le mérite d'intégrer musiciens et spectateurs à l'action, par des regards, des expressions. Malheureusement, elle n'a pas toujours su choisir judicieusement ses ornements et les réalise avec une voix instable, craquant aux attaques ; son chant est parsemé de notes qui ressortent en pointillé dans les vocalises, comme si la chanteuse craignait de leur donner toute leur ampleur. Par ailleurs, sa voix puissante domine dans les chœurs qui deviennent alors très hétérogènes, compte tenu de la minorité masculine qui peine à faire ressortir les voix graves. Aux antipodes de cet Emireno exalté, Milanesi est toute de grâce et de délicatesse. Erminia fut la captive et amante de Tancrède dont elle attend fidèlement et nostalgiquement le retour (mais en vain). Son timbre clair et léger correspond parfaitement à la candeur de la jeune fille qu'elle incarne. Ravissante par sa simplicité et sa sensibilité, elle n'en serait que plus touchante en approfondissant les affects suggérés. Pour ce qui est de la transmission d'affects, très peu y sont parvenus tant le pupitre semblait être une barrière infranchissable. Aussi Martín Oro fut-il ovationné suite à son air dans la scène 9 à l'Acte II. Et pour cause : pour la première fois depuis le début de l'opéra, le public se tenait en haleine à l'écoute d'un chanteur, suspend sa respiration. Le contre ténor était parvenu à le tirer de sa léthargie et le gratifia d'un chant extrêmement fluide et délicat, maintenant la tension des phrases au sein même des vocalises et ce, avec un grand naturel. L'émotion était bien là. Seconde soprano de l'opéra, Monica Bacelli apporta surprise et désappointement : surprise par ses mimiques presque théâtrales (mais adressées à son pupitre) qui ponctuaient le récit de comique, désappointement par l'aigreur de ses aigus et le flou de ses vocalises. Quelques inégalités rythmiques contraignaient l'orchestre à l'attendre, suspendu à ses mots (Acte II, scène 10). Seul personnage ne se mêlant pas à l'intrigue amoureuse, le Calife de Furio Zanassi se laisse porter avec bonhommie au sein des péripéties. Dans les deux premiers actes, il ne donne pas à sa voix toute la mesure attendue. Le timbre est chaud et agréable mais c'est celui d'un roi d'Egypte trop bienveillant alors qu'on le voudrait autoritaire et imposant. Pour cet unique concert, Rinaldo Alessandrini s'était lancé un défi risqué. Le second acte de l'Armida a en effet été perdu ce qui obligea le chef à se livrer à un important travail de reconstitution. Saluons donc sa maitrise du langage vivaldien qu'il a su imiter à travers des éléments caractéristiques (marches harmoniques, orchestre à l'unisson…). Il aurait cependant été préférable qu'il recourt à une mise en espace (voire mise en scène) pour mettre en valeur sa création et donner à l'opéra de Vivaldi toute l'ampleur qui lui est due.
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