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6 janvier 2014

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Chronique Concert

"Concert chez la Reine"

Ensemble Les Ombres,

Sylvain Sartre & Margaux Blanchard

 

 

© Les Ombres, 2011

 

"Concert chez la Reine"

 

François Colin de Blamont (1690 – 1760)

Les Festes Grecques et Romaines (1723) (suite)

Ouverture, Sarabande, Premier et Deuxième Rigaudon, Premier et Deuxième Air, Air pour les Lutteurs, Air pour les Coureurs, Chaconne.

 

François Couperin (1668-1733)

Les Nations (1726)

La Piémontoise

 

François Colin de Blamont

Circé, cantate à voix seule ave symphonie (1736)

 

François Couperin

Les Nations

La Françoise

 

Mélodie Ruvio – Mezzo soprano

 

Ensemble Les Ombres :

 

Sylvain Sartre – flûte traversière et direction

Margaux Blanchard – Viole de gambe et direction

Katharina Heutjer – violon

Louis Crea'ch – violon

Sarah van Cornewal – flûte traversière

Anaïs Ramage – basson

Vincent Flückiger - theorbe

Nadja Lesaulnier – clavecin

 

14 octobre 2011 – Temple du Foyer de l'Âme, dans le cadre du Festival Marin Marais 

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La couleur des Ombres

C'est par un après midi embué des orages annoncés que les pas affairés du Paris noctambule commençaient leur course folle dans le crépuscule. Et dans la petite rue du Pasteur Wagner, une porte comme un lampion éclairait ses promesses de joie pour le mélomane. La foule se massa en une seconde devant la porte du Temple du Foyer de l'âme et quand nous pénétrâmes dans l'enceinte du tabernacle, tout autour de nous appelait au recueillement. Pourtant le programme était d'un dramatisme puissant, des fêtes galantes qui appelaient les délicates paraboles picturales de Watteau davantage que les valeurs rigoureuses du protestantisme. Mais voilà qu'en un éclair, entrés sur scène, les membres élégants et enthousiastes de l'ensemble Les Ombres ont transformé la piété des lieux en un charmant voyage dans les salons lambrissés de Marie Lesczynska. En effet, c'est chez la douce souveraine de Nattier, peinte avec un livre de piété à la main, que se produisit souvent le Concert Spirituel qui présenta les nouvelles gloires de la musique française et étrangère aux auditeurs à jeun de divertissements durant la semaine sainte.

Dès les premiers accords des Festes Grecques et Romaines, l'on assiste à la magie de la métamorphose baroque, la musique de Colin de Blamont portée par les regards complices des instrumentistes en coloristes superbes dora d'un autre soleil, les boiseries obscures de l'orgue et la tribune pastorale. La délicate suite des Festes nous rappelle sous l'heureuse intelligence des Ombres que Colin de Blamont subit injustement un oubli cruel, tant ses accords sont profonds, charmants, au riche chromatisme. Faut-il ajouter que ces Festes Grecques et Romaines furent l'un des opéras les plus célèbres et célébrés de son temps? Pourquoi éviter ce compositeur majeur du XVIIIème siècle qui admirait Rameau et fut un de ses amis, composa des si belles œuvres sentimentales et entrainantes. Vivement une intégrale de cet opéra aux accents olympiques, peut-être pour les jeux de Londres l'été prochain?

Outre ce voyage sur les planches de l'opéra-ballet, dans un registre tout aussi dramatique, telles des romances sans paroles, Les Ombres nous firent entendre enfin une version superbe des Nations de Couperin. Malgré la seule présence de La Piémontoise et de La Françoise, les remarquables instrumentistes des Ombres rendirent chaque danse à son contexte précis, tout près du clavecin du vieux Maître, avec des nuances nouvelles et riches de parures musicales.

Et l'acmé du concert fut atteinte lorsque Mélodie Ruvio, au port altier de tragédienne, monta sur la chaire pastorale pour nous décrire, tel un chœur antique, les malheurs de Circé. En une seconde, avec la complicité des membres de l'orchestre, elle devint la douloureuse magicienne abandonnée et à bout de forces sous les traits cruels du fatal amour. Elle nous ravit avec une voix dont la justesse épousa chaque émotion, chaque syllabe du texte de Jean-Baptiste Rousseau, avec un engagement dramatique sans faille. Le théâtre et le chant ne se transmettent pas par la bouche, mais par les yeux. Et Mélodie Ruvio l'a compris, alliant une voix sublime à une technique sans faille, tragédienne accomplie transmettant sans fard l'émotion profonde du texte et la subtilité de la musique.

L'orchestre démontre une cohésion rare et nous offre le meilleur de chaque musicien, dans un élan comparable à celle de leur bel enregistrement de ce programme (Ambronay éditions, 2010). Nous sentons non seulement dans la fougue des Rigaudons ou des Gigues de Colin de Blamont ou de Couperin, mais aussi dans les vifs émoluments passionnés des Chaconnes et l'accompagnement précis et coloré dans la cantate, que Les Ombres constituent un groupe passionné et fusionnel. Que ce soit Sylvain Sartre et sa flûte légère et élégiaque, la viole terriblement passionnée de Margaux Blanchard, les violons étourdissants de Katharina Heutjer et Louis Crea'ch, la deuxième flûte suave de Sarah van Cornewal, le théorbe et la guitare baroque rythmés et caracolants de Vincent Flückiger, le divin basson d'Anaïs Ramage et le clavecin expressif de Nadja Lesaulnier, l'ensemble des musiciens nous ont offert un doux ombrage après l'agitation des rues de la capitale.

En sortant du cœur du foyer de l'âme protestante qui accueillit avec la tolérance des pieux, pour un soir les évocations profanes des divinités païennes, nous errions dans les rues éveillées de ce Paris de lumière, de passion et de feu. Au loin crépita la glacière redoutable de l'Opéra Bastille et surgissait superbe la Colonne de Juillet. Mais en définitive, Les Ombres ont finalement dévoilé le mystère de la nature, la lumière sans l'ombre n'est que feu follet.

Pedro-Octavio Diaz

Site officiel de l'ensemble Les Ombres : www.les-ombres.fr

 

 

 

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