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6 janvier 2014

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Chronique Concert

Hasse, Didone abbandonata

Hofkapelle München, dir. Michael Hofstetter

Michael Hofstetter © Patrick M. Sheedy

Johann Adolf HASSE

 

Didone Abbandonata

 

Dramma per musica, sur un livret de Francesco Algarotti, d'après Pietro Metastasio, représenté à Hubertsburg, résidence d'été du prince électeur de Saxe, le 7 octobre 1742

 

Theresa Holzhauser (Didone), Magdalena Hinterdobler (Selene), Valer Barna-Sabadus (Iarba), Maria Celeng (Araspe), Andreas Burkhart (Osmida), Flavio Ferri-Benedetti (Enea)

 

Hofkapelle München

Direction Michael Hofstetter

 

10 mars 2012, Opéra Royal,  Château de Versailles, version de concert

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"A che dissi infelice !"

La particularité de ce seria de Hasse est qu’il fut joué, quoique remanié, à Versailles le 28 août 1753. En effet, la seconde épouse du Dauphin invita le compositeur en 1750, et ce dernier lui fit parvenir une partition manuscrite de l’opéra, qui servit sans doute de base à la version jouée sous les ors de l’Opéra Royal.

Cette rare recréation est méritoire à double titre. Outre l’intérêt musicologique de cette partition virtuose et d’une nouvelle illustration du livret de Métastase sur un sujet tant de fois mis en musique, les opéras de Hasse ont mauvaise réputation malgré le charme incontestable qui s’en dégage. A la manière d’un Christie exhumant La Cleofide, Hasse emporte avec lui le parfum nostalgique et délicieusement suranné d’un compositeur prolixe et superficiel, aux interminables arias et à l’immobilisme de bonbonnière sucrée, risque encore accru par les écueils d’une représentation en version de concert.

Le défi est relevé grâce à la direction lumineuse, brillante et enlevée de Michael Hofstetter, plus sanguin et inspiré dans la fosse qu’au disque. C’est ce fil d’Ariane, boulimique et bienveillant, qui sous-tend l’œuvre et lui confère  - presque artificiellement – une urgence et une unité remarquables. Au prix de nombreuses coupes hélas. Certes, l’ablation d’étendues de récitatifs secs, et de certains airs paraît inévitable en concert, ne serait-ce que pour répondre à des impératifs logistiques (et permettre aux heureux mélomanes noctambules de regagner la capitale). Cependant, on réitèrera notre perplexité quant à l’amputation des da capos, qui altère la structure et la rhétorique cyclique inhérente à ces airs, créant déséquilibre et malaise. Au risque de passer pour de grincheux défenseurs de l’orthodoxie de la partition, le da capo n’est pas une simple répétition creuse, mais la clôture naturelle du discours, sa synthèse, sa renaissance ornée. Lorsque Haendel supprime abruptement le da capo du duo initial entre Ariodante et Ginevra, c’est justement pour traduire l’intrusion inattendue du souverain qui interrompt les tourtereaux…

Mis à part cette réserve, la Hofkapelle München n’appelle que des éloges. Malgré de gros soucis d’intonation des cors dans l’ouverture (et l’absence de trompettes), ’orchestre, souple et scintillant, est particulièrement à l’aise pour insuffler une douceur mélodique poétique à l’ensemble, tout en conservant suffisamment de réactivité pour ne pas sombrer dans la superficialité. Vif sans être nerveux, évocateur sans naïveté, la Hofkapelle rend l’écriture de Hasse intelligible et extravertie sans que l’aspect tragique soit appuyé. Cette Didone abbandonata en devient ainsi plus galante que malheureuse, nimbée d’un optimisme sans faille même dans les airs de désespoir affectés et démonstratifs. D’aucuns regretteront une sorte d’hédonisme satisfait, de fatuité curiale, face à un récit qui manque de puissance, de larmes et de passion bien que l'accompagnato final soit marqué par des cordes incisives et violentes. Pour notre part, voici du Tuby plus de que Bernin, mais ce marbre ciselé n’en est pas moins magnifique.

Valer-Barna-Sabadus - D.R.

Il faut dire que sur scène la distribution est de haut vol, malgré la déception de la Selene de Magdalena Hinterdobler à la projection médiocre et à l’incarnation terne ("Ogni amator  suppone"). A tout seigneur, tout honneur, la palme carthaginoise revient au très acclamé Iarba de Valer-Barna-Sabadus, qu’on eut voulu voir en Enée, tant son chant d’une merveilleuse fragilité, au timbre noble, capable d’une bouillonnante virtuosité nous a conquis dès le "Leon, ch’errando vada". Son "Chimami pur cosi", tendu et expressif, accuse des prises de risques mettant parfois la justesse en péril mais s’avère convaincant dans sa colère, tandis que la "Cadra fra poco in cenere" - tube présent sur son disque de récital (Oehms Classics) délivre une douloureuse apesanteur au goût de cendres.

La Didone de Theresa Holzhauser fait valoir un mezzo charnu et d’agiles coloratures. Elle manque parfois de naturel ("son regina e sono amante"), et d’intensité dramatique ("Ombra cara" assez quelconque). Ainsi on comprend que le désespoir ouaté et digne du "Ah lasciarmi, no", mesuré et agréable, ne fasse pas changer Énée d’avis, d’autant que le Héros échoit à un Flavio Ferri-Benedetti épique à la manière de son "Carthagine, Didon, Selene, addio" avec cors obligés, martial, triomphant, d’un airain sans états d’âme. Enfin, on saluera l’Araspe frétillante de Maria Celeng ("Gia si desta la tempesta" paniqué et craintif, et la belle maturité du jeune Osmida d’Andreas Burkhart d’une stabilité et d’une profondeur étonnantes pour ses 227 printemps ("Quando l’onda").

En définitive, il était grand temps de ne plus abandonner une telle Didone, dont on espère vivement une reprise avec mise en scène qui pourrait faire revivre dans sa globalité cette œuvre inventive et spectaculaire.

Viet-Linh Nguyen

Site officiel de la Hofkapelle München : www.hofkapelle-muenchen.de

Site officiel de Château de Versailles Spectacles : www.chateauversailles-spectacles.fr

 

 

 

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