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Chronique Concert

Antoine Dauvergne, Polyxène

Christoph Wilibald Gluck, Iphigénie en Aulide

Opera Fuoco, direction David Stern

 

David Stern - D.R.

Antoine Dauvergne (1713 – 1797)

Polyxène (1763) – extraits – recréation

 

Christoph Wilibald Gluck (1714 – 1787)

Iphigénie en Aulide (1773)

 

Julie Fioretti, soprano

Katia Velletaz, soprano

Jennifer Borghi, mezzo-soprano

Jeffrey Thompson, ténor

Arnaud Richard, baryton-basse

 

Orchestre Opera Fuoco

Direction David Stern

 

15 octobre 2011 - Opéra Royal du Château de Versailles

dans le cadre des Grandes Journées Dauvergne du Centre de Musique Baroque de Versailles

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Les Troyennes galantes

Dans sa correspondance sulfureuse, le perspicace baron Friedrich Melchior Grimm, que l'on sait très sévère dans ses commentaires du Mercure de France à l'égard de la musique française, qualifia en une phrase la Polyxène de Dauvergne comme un opéra qui mérite que l'on s'y attarde malgré tout le mal que l'on disait à l'époque. Si, en pleine querelle des Bouffons, le malheureux Dauvergne subit les foudres du parti italien, souvent à tort puisque sa musique est délicieuse de galanterie, brillante de modernité et inégalable dans la profondeur, l'on ne comprend aujourd'hui pas pourquoi il fut souvent taxé d'un ennui qui ne s'entend visiblement que dans la mauvaise foi.

Parce que le Centre de Musique Baroque de Versailles a rendu un hommage bien mérité à Antoine Dauvergne, oublié par le temps et seulement connu dans sa veine comique. Dans l'attente impatiente du monumental Hercule Mourant fin Novembre, la recréation de larges extraits de cette Polyxène nous ravit par la tenue du drame et prouve que Dauvergne était un compositeur accompli de tragédies lyriques, d'autant plus que le rôle principal était tenu à l'époque par la mythique Sophie Arnould.

Contrairement aux tragédies lyriques de Campra ou de Marais, et davantage en relation avec le génie de Rameau, Dauvergne introduit l'émotion par l'accompagnement et se sert souvent du continuo et de la prosodie pour approfondir les affects. Si sa musique a tout du style galant qui pourrait illustrer les pastels hyperréalistes de Quentin de la Tour, les charmants amants de Watteau ou les kitschissimes mythologies de Boucher, Dauvergne donne a Polyxène une palette plus obscure, on remarque un dramatisme aigu, notamment dans les airs incroyables de Pyrrhus, de Polyxène et d'Hécube. 

Malgré notre frustration de ne pas avoir entendu la tragédie lyrique dans son intégralité, Opera Fuoco et David Stern ont incendié de leur passion cette partition avec la complicité de solistes hors normes, nous avons été portés par leur engagement et la profonde compréhension du texte. Des telles soirées sont rares.

 

Château de Versailles, Opéra royal

© Muse Baroque, 2011

Couplée dans cette soirée “troyenne”, aussi à travers quelques extraits, nous avons pu entendre la trop rare Iphigénie en Aulide du chevalier Gluck. Contrairement à sa fausse jumelle tauridienne, Cette Iphigénie semble davantage tournée vers le style galant et beaucoup moins vers le style baroque réformé qui inspirera tant l'école romantique. Mais l'Iphigénie en Aulide est d'une efficacité dramatique déclinée avec une ornementation et des virtuosités éclatantes, la partition est poignante de passions extrêmes, et répond avec fracas aux délicates harmonies de Dauvergne. Comme dans toute œuvre inspirée par Troie chaque déclinaison est extrême.

La soirée fut aussi brillante que le triomphe des Achéens. David Stern, vif et fougueux a irradié de sa présence les dorures de l'Opéra de Versailles et notamment les quelques décors du Bal Paré. Son approche des deux drames se révèle juste dans l'intensité et a rendu cohérent un programme qui semblait en totale confrontation, passant naturellement des mélismes sentimentaux de Dauvergne aux pulsions terribles de Gluck. David Stern  accroche à chaque air une personnalité propre, donne aux récitatifs une continuité théâtrale. Les instrumentistes impliqués d'Opera Fuoco nous font découvrir un orchestre uni, homogène et nuancé.

À la tête des solistes, la voix tragique et suave de Katia Vellétaz nous a émus jusqu'aux frissons avec sa Polyxène au pathos passionné. Que dire de son Iphigénie de légende, hiératique et fragile à la fois ? Il ne reste qu'à souhaiter que son timbre velouté et sa diction parfaite soient vite programmés dans les grands rôles tels Armide, Médée ou Télaïre.

En partageant l'affiche des jeunes premiers, le fougueux Jeffrey Thompson nous a ravi avec une voix extrêmement belle et juste dans les rôles de Télèphe pour Polyxène et Achille dans l'Iphigénie. Nous avons été bouleversés par les vocalises, la diction parfaite de sa prosodie, la force de son engagement, et saluons cette grande voix dont nous rêvons dans les rôles de Méhul, de Philidor, de Mouret, de Colin de Blamont ou de Monsigny.

Sous les lourds apparats de Pyrrhus et d'Agamemnon, le sublime Arnaud Richard nous a stupéfiés de sa voix de baryton d'un chromatisme extraordinaire. Que ce soit dans le sentimental chez Dauvergne où les extraits de la Polyxène se concluent par un air sublimement servi par lui, ou bien dans le rôle paradoxal et monumental d'Agamemnon, Arnaud Richard dévoile une théâtralité puissante, nuancée et séduisante.

Hécube et Clytemnestre, les mater dolorosa de ces deux partitions, aux accents pathétiques et avec une partition extrêmement exigeante, Jennifer Borghi surpasse bien de chanteuses... Son mezzo-soprano, quoique un peu retenu chez Dauvergne, explose en mille imprécations dans une Clytemnestre que l'on eut voulu intégrale. Enfin, dans le petit rôle de la Déesse “ex-machina” la charmante Julie Fioretti nous offre une Diane aux belles inflexions, nous souhaitons la retrouver bientôt dans un rôle plus important pour sa belle voix de soprano.

Après les feux de Troie  la salle de l'Opéra Royal, enflammée encore dans ses lustres et ses stucs dorés, se vida lentement de ses spectateurs pantelants. Et le chroniqueur perdu entre les légendes déclinées par la musique, se perdit dans le labyrinthe des astres qui brûlaient encore des mêmes flammes qui témoignaient des gloires passées de Troie et ses illustres héros.

Pedro-Octavio Diaz

Site officiel des Grandes Journées Dauvergne du CMBV : www.cmbv.fr/Activites-artistiques/Les-Grandes-Journees-2011-2012/GRANDES-JOURNEES-DAUVERGNE

 

 

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