Récipient : Un pays en
pleine ébullition intellectuelle
Ingrédients :
Une Reine (Marie
Lescynska) délaissée par son époux
Un Roi qui s'entiche
de sa gracieuse favorite
La favorite (Madame
de Pompadour) qui a du goût
Un Italien,
compositeur de préférence, Pergi... Pergo... Pergolesi, par exemple.
Un philosophe de
mauvaise fois, compositeur de pacotille qui ferait mieux de se remplir le
verre de vin de village (J.J.R.)
Un grand compositeur
(J.P.R.), à ne pas confondre avec le précédent (qui n'aurait jamais pu
écrire Hippolyte et Aricie ou Dardanus)
Des encyclopédistes
plus ou moins neutres (Diderot et Cie)
Un public qui en
redemande
Formule :
Prendre un petit
intermezzo,
destiné à être joué entre les actes d'un opera seria, un
vrai...
Le jouer en France une première fois
(1746), c'est un échec.
Réessayer encore six ans plus tard en
cristallisant autour de jolis airs superficiels des lignes de fractures
philosophiques et politiques.
Attendre que se forment des grumeaux : le
coin du Roi (et de la Pompadour) défendant la tragédie lyrique héritée
du modèle lullyste, et le coin de la Reine favorable aux Italiens.
Faire monter la température en publiant
une Lettre sur la Musique Française où Rousseau montre son manque
d'oreille et d'éducation musicale en stigmatisant Lully et Cie.
Garder son calme malgré le
déchaînement de pamphlet : musique française étant assimilée à art
gouvernemental et musique italienne à liberté de création.
Oublier totalement le fondement musical
de la querelle pour polémiquer sur la politique de Louis XV.
Éteindre le grille pain par un
édit royal de 1754 interdisant les représentations de cette Servante trop
espiègle.
Appeler Rameau pour clouer le bec à
J.J.R. grâce à ses Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie (1755)
En réalité, cette querelle musicale fut
avant tout un prétexte à l'agitation libertaire qui régnait et les attaques
contre la politique gouvernementale, bien que les grands philosophes du temps
(mis à part Rousseau) se tinrent plutôt à l 'écart. Un débat plus vaste sur
la monarchie absolue et la place des libertés dans un tel système de
gouvernement, le sens de la nation ou l'intérêt général se para de cette
cuirasse musicale anodine qu'un Lecerf de la Vieville et d'autres avaient déjà
exploré plus pertinemment. Enfin, la question était dès le départ faussée,
la tragédie lyrique avait comme rivale l'opera seria et non de petits
intermèdes comiques, dignes seulement d'être comparés à l'aune des Don
Quichotte chez la Duchesse de Boismortier ou des Amours de Ragonde de
Mouret.
Si vous désirez ardamment qu'un monstre marin dévore un promeneur solitaire
qui se confesse, chantez tous en choeur sur l'air d'au clair de la lune les couplets
satyriques suivants
.
V.L.N.