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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Théâtre-Concert "L'Autre Monde ou les Etats et Empires de la Lune" de Cyrano de Bergerac
© Romain Juhel Benjamin Lazar et l'ensemble la Rêveuse : Florence Bolton (Dessus et basse de viole), Benjamin Perrot (Théorbe, guitare et luth baroques). Scénographie et costumes : Adeline Caron. Lumières : Christophe Naillet. Maquillages : Mathilde Benmoussa. Recherche musicale : Benjamin Perrot, Florence Bolton. Regard sur la mise en scène : Louise Moaty Jeudi 10 avril 2008, Athénée Théâtre Louis Jouvet, Paris. L'Autre Etat du MondeEh, quoi lecteur, faut-il que je vous entretienne des extraordinaires Aventures qui furent les miennes, et de ce Voyage en des contrées aussi inconnues qu'étonnantes, et ce par l'unique pouvoir de la prose ? J'étois en un Hémicycle, à la Manière de ceux que l'on peut voir souvent en nos Théâtres françois, lorsqu'apparut un Homme devant le Rideau dont le visage étoit rosi par la tremblotante Lueur d'une éphémère bougie. Ah, par la malemort, me dis-je, est-ce cela que le Théâtre en ce pays ? Que sont nos illusions de perspectives, nos Dieux descendant des nuées, & nos Acteurs devenus ? Et ma stupeur ne fist que croistre à mesure que la Nuit enveloppait le dehors, en écoutant les Propos terribles que le pire Libertin du royaume eust pu escrire. Sur une scène fort simple, et dont l'Austérité rappeloit la quiétude d'une Bibliothèque ou celle de la cellule de quelque monastère, Monsieur Lazar déclama avec un art consommé de la diction baroque et de la gestuelle l'Autre Monde ou les Etats et Empires de la Lune de Monsieur de Bergerac, ouvrage qui de par sa méchante malignité et son commerce avec l'hérésie n'estoit point été publié de son vivant (avant qu'une Bûche ne mette fin à ses débordements) et qui n'étoit connu que de quelques-uns de ses familiers et amis qui s'enhardissaient de si vils propos. L'éclat tremblotant des Bougies caressoit de chaleur et de Poésie les planches où se présentoient un escabeau, un pupitre à escrire, & des montants sur lesquelles les Instruments de Musique étoient pendus. D'un ton aimablement chantant, fortement détaché, et dont la résonnance des consonnes et des voyelles charmait l'oreille, où les diérèses abondoient et qui faisoit du langage bien belle Musique, Monsieur Lazar fit entendre qu'il avoit été en la Nouvelle-France et en la Lune en usant de fioles de liqueurs, qu'il avoit eu commerce avec des Hommes nus marchant à quatre pattes et qui soupoient de fumée, et qu'en ce Monde-là, la Cour et les Princes vouloient qu'il honorast la couche d'un autre homme. Il ajouta que quelques-unes de ces Créatures débattaient de l'existence de Dieu.
© Romain Juhel Pendant qu'il blasphémoit de la sorte et profitoit sans mesure de la crédulité de l'Assistance qui sembloit entendre son Récit pour fait véridique et sans s'en émouvoir sinon pour en rire, deux de ses comparses agrémentoit la Lecture de leurs Harmonies car c'étoit des Musiciens, que je ne reconnus point comme appartenant à la Chambre du Roy, et qui jouoient avec talent de la Viole, du Luth, du Théorbe ou de la Guitare. Leurs petites pièces parmi lesquelles j'admirois "Une Jeune Fillette" ou encore une Muzette de Sieur Marais accompagnoient avec à-propos chaque passage du Conte, n'hésitant pas à tirer de leurs Cordes des Bruits comme lorsque le Narrateur tomboit à terre ou se laissoit prendre par les pavots du sommeil. La Viole étoit parfois un peu sèche notamment dans "Les Couplets" de Monsieur d'Autrecourt de Sainte-Colombe, et le vif Archet de Madame Bolton pourroit s'adonner à plus de Langueur, bien que la Musique soit fort à Loüer tant elle s'accordoit avec l'action et le captivant jeu de Comédien de Monsieur Lazar. Cette Représentation, qui cache sous ses aimables dehors de Récit de Voyage et la drôle Absurdité des Situations l'imagination pervertie de son Auteur & la Naïve Philosophie de l'Impiété pourroit convaincre les Esprits tant le Spectacle impressionne par ses Qualités. C'est pourquoy dès le lendemain, je demandois audience auprès de Madame de Maintenon, et du Père Bourdaloue, afin que par leur diligence l'Autre Monde quittast le Théâtre après le vingt-sixième jour d'Avril, et que Monsieur Lazar, qui défend si bellement pareille Imposture, soit derechef embastillé. J'ose espérer que Sa Majesté suivra ces sains Conseils pour Sa plus grande Gloire et pour le Bien du Royaume.
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