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Chronique Concert

Blow, Venus & Adonis,

Maîtrise de Caen, Les Musiciens du Paradis

dir. Bertrand Cuiller

 

 

© Philippe Delval / Théâtre de Caen

John Blow (1649-1708)

VENUS & ADONIS

Masque pour le divertissement du Roi en trois actes et un prologue,
sur un livret d’Anne Kingsmill Finch
Créé à Londres ou à Windsor en 1683
Précédé de Begin the Song, ode à Sainte Cécile de John Blow, 1684

Mise en scène - Louise Moaty
Chorégraphie - Françoise Denieau
Scénographie - Adeline Caron
Costumes - Alain Blanchot
Lumières - Christophe Naillet
Maquillage - Mathilde Benmoussa
Assistante à la mise en scène - Florence Beillacou
Assistante à la scénographie - Pia de Compiègne, Aurélie Gloriant
Conseiller linguistique - Eugène Green
Chef de chœur - Olivier Opdebeeck

Adonis - Marc Mauillon
Vénus - Céline Scheen
Cupidon - Romain Delalande

Chœur - La Maîtrise de Caen
Chœur et orchestre - Les Musiciens du Paradis
Danseurs - Nathalie Adam, Marc Barret, Romana Konradova, Robert Le Nuz, Andrea Miltnerova, Gilles Poirier
Production déléguée - Théâtre de Caen
Coproduction - Opéra Comique, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Angers-Nantes Opéra, Opéra de Lille, Centre de musique baroque de Versailles

Direction musicale et clavecin Bertrand Cuiller

12 décembre 2012, Opéra Comique, Paris

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Flow my tears

C'est à un spectacle exigeant et sombre que nous convient Bertrand Cuiller et Louise Moaty pour la recréation de ce masque de 1683 composé par le maître de Purcell, son élève pour qui il écrivit cette ode funèbre si touchante. Afin d'étoffer le divertissement trop bref, les créateurs ont judicieusement décidé d'inséré Begin the Song, ode à Sainte Cécile, qui en guise de prologue convoque ainsi le pouvoir évocateur de la musique. Evocation, voilà le mot jeté. Car à la joliesse décorative de l'ode, et au dramatique Vénus & Adonis à l'idylle désespérément brève et comme compressée, Louise Moaty préfère la grande fresque funèbre, hissant ces deux œuvres en une immense vanité, célébrant avec un talent mortifère le combat perdu d'avance de la Vie et du Trépas, comme elle s'en expliquera dans un entretien qu'elle a bien voulu nous accordé.

© Philippe Delval / Théâtre de Caen

Ainsi, ce qui frappe, c'est avant tout une mise en scène noire (au sens propre comme figuré), viscérale, sorte de catafalque où dès le début les protagonistes, vêtus de costumes d'inspiration élisabéthaine, semblent porter déjà le deuil. Point de toile de fond, ni de sol de marbre : encore une fois, le noir avale la foule, engloutit même les évolutions des danseurs, qui seront laissés, tels des pantins, à continuer leurs mouvements sans musique entre les deux œuvres. Dans cet espace éclairé à la bougie, des reliquaires et autres tombeaux rappellent les catacombes et ossuaires, tandis que les références  à la Mélancolie ou aux Vanités abondent, qu'il s'agisse des postures des personnages comme des accessoires (figures géométriques,...). La grande force du spectacle réside ainsi son climat imposant et déploratoire, le sentiment de l'Univers ou de l'infinie Nature au sein desquels les humains jouent leur saynète.

D'aucuns reprocheront à ce parti-pris une trop grande uniformité, qui relègue résolument le caractère galant de l'intrigue, bien que Vénus, Cupidon et Adonis soient les trois seuls personnages à disposer de vêtements de couleur. D'autres se diront que l'Amour s'est mué en Leçons de Ténèbres et qu'on se croirait dans la vaste scène de lamentations d'Alceste. Nous-mêmes avons pensé que cette vision personnelle, d'une noirceur endeuillée, était peut-être excessive, mais l'on se trouve si aisément enveloppé par la poigne du Destin qu'on ne peut se résoudre à y échapper.

© Philippe Delval / Théâtre de Caen

Musicalement, pour porter cette peinture, l'on regrettera tout d'abord que le rôle de Cupidon ait échu à un soliste aussi méritoire que téméraire de la Maîtrise de Caen (Romain Delalande). Ce dernier, hélas, sans doute âgé de 11 à 12 ans, ne possède pas encore une technique et un investissement suffisants pour sa partie. En revanche, les interventions chorales énergiques de la Maîtrise, qui rappellent les circonstances de la reprise dans le pensionnat de jeunes filles de Chelsea sont bienvenues ; les timbres purs des enfants rendent les pupitres aigus très typés, d'une légèreté touchante. En Vénus élégante et séductrice, Céline Scheen offre son timbre sensuel et velouté à une déesse mutine qui fait face à l'Adonis noble, martial et très articulé de Marc Mauillon. Et puis, tout en conservant le caractère chambriste de l'œuvre, Bertrand Cuiller, après une ode plus convenue, a su déployer les Musiciens du Paradis vers des couleurs insoupçonnées, avec un continuo très dynamique, de superbes cordes rondes et chaleureuses (notamment les violes), et des flûtes à bec très poétiques, instaurant une atmosphère d'intimité opulente, non dénuée d'un zeste de naïveté toute britannique tout à fait rafraîchissante, d'autant plus d'une création pour la cour. On notera au passage la disposition des musiciens face à face les uns des autres, ce qui a peut-être contribué à cette complicité souriante. L'anglais restitué semble cependant par moments très hésitant, mais nous ne ferons pas la fine bouche sur ce difficile exercice, bien qu'il introduise une certaine distance entre le public et la compréhension du livret, nuisant par exemple à l'aspect spontané et plein d'humour de la scène de l'école des Amours.

 

© Philippe Delval / Théâtre de Caen

Ainsi, ce Venus & Adonis, produit avec conviction et brio, s'avère une production homogène et pleine de sens, à l'aspect visuel frappant et au message clair, préfigurant par sa puissance tragique la Didon & Enée plus souvent interprétée. Si la noirceur digne d'un Soulages peut rebuter, tant de beauté et de tristesse ne peuvent qu'émouvoir un public visiblement conquis.

Viet-Linh Nguyen

Site officiel de l'Opéra Comique : www.opera-comique.com

 

 

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