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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival
Festival d'Ambronay 2011
Vendredi 29 Septembre
Cloître d'Ambronay © Muse Baroque, 2010
Les fruits dorés de l'Été Indien
Il Giardino Armonico à Ambronay © Bertrand Pichène "Il Pianto della Madonna" œuvres de Vivaldi, Conti, Weiss & Ferrandini
Marina de Liso – mezzo-soprano
Il Giardino Armonico Dir. Giovanni Antonini
29 septembre 2011 – Abbatiale - 20h 30 La fin septembre fut douce, la nuit tombait comme un voile de feu sur la pierre ocre de l'abbatiale. Le cloître doucement parfumé de silence dans ses dentelles d'argent, accueillait sans protester les pas recueillis des spectateurs impatients d'entendre les douleurs de la madonne aux accords de Vivaldi, Conti ou Ferrandini. Et nous voilà installés dans le ventre voûté de l'Abbatiale d'Ambronay, célèbrée jusqu'aux cieux par les ogives et les vitraux aux couleurs sombres des ténèbres. Et ce fut l'entrée soudaine, inopinée, des membres du prestigieux Giardino Armonico, et puis, enveloppée dans les voiles de jais de la Dolorosa, la silhouette de Marina de Liso, au port noble et incarnant déjà son personnage, suivie de près par le maestro Giovanni Antonini, léger et svelte prêt à nous mener dans les tréfonds de la douleur mariale, un culte à la passion, au recueillement, aux accents profanes à travers les voiles religieux. Dès les premières mesures de la profonde et dramatique Sinfonia en si mineur d'Antonio Caldara, Il Giardino Armonico attentif aux nuances et au caractère de l'harmonie, se détache du monde matériel pour conférer à cette Sinfonia des couleurs divines et une importance préludique de ce programme qui serait plus un opéra marial qu'un récital. Après la courte Passacaille de Biaggio Marini, Marina de Liso nous offre un Pianto della Madonna sopra il Lamento d'Arianna de Monteverdi idéal, telle une captatio benevolentiae touchante le cœur des auditeurs avec les moyens les plus simples et les plus émouvants. Vient ensuite le moment de l'élévation, du recueillement psychologique, avec le concerto pour cordes dit “Madrigalesco” de Vivaldi, puis la sonate en mi bémol Al Santo Sepolcro, bijoux de nuit dans la production solaire du maître vénitien. Sous les archets d'Il Giardino Armonico, ces oeuvres deviennent des interludes éloquents aux lamentations de la Vierge. Le pinacle est atteint dans cette première partie lors de l'air sublime de Francesco Bartolomeo Conti issu de son oratorio Il Martirio di San Lorenzo, “Sento già mancar la vita”. Marina de Liso accompagnée au chalumeau par Giovanni Antonini y est déchirante de tristesse et de théâtre, et nous avons été envahis par les flammes que décrit la courbe mélodique et la résignation agonisante du San Lorenzo martyrisé, un moment unique de drame et de musique. Nous passerons plus brièvement sur certains morceaux qui gardent un caractère évocateur, sublimement mis en couleur par Il Giardino Armonico, telle la sonate en do mineur de Pisendel, tout en saluant avec enthousiasme la prestation magistrale, délicate et nuancée de Maria Evangelina Mascardi qui nous a ravi avec le très beau prélude en mi bémol majeur pour luth de Silvius Leopold Weiss. Un enregistrement des sonates et préludes de ce trop oublié Weiss avec cette luthiste d'exception serait ainsi le bienvenu.... Mais la palme du concert revient sans nul doute à Marina de Liso à qui Giovanni Antonini et son orchestre donnent la réplique avec des affects justes, et une énergie inégalable dans le chromatisme des nuances et des attaques. Non seulement son incarnation de la Mater Dolorosa est vocalement parfaite, mais théâtralement construite et menée en tragédienne. À un degré différent, Marina de Liso surpasse la Dolorosa de Bernarda Fink dans l'enregistrement paru en 2009 que nous avions célébré (Teldec). Il faut dire que la mezzo est l'une des rares artistes à montrer que la musique est aussi importante que le théâtre dans l'opéra baroque, sa transfiguration se fait clairement dès qu'elle marche sur la scène, ses yeux d'un bleu profond devenant tour à tour noirs de rage ou de douleur. Participant avec éclat et talent aux recréations de la Salustia de Pergolesi à Montpellier, Il Flaminio de ce dernier encore à Iesi avec Ottavio Dantone, à la redécouverte du Faramondo de Haendel, Marina de Liso a eu le courage et le mérite de se lancer dans l'opéra ballet français alors que la langue des Gaules n'est pas sa langue maternelle. Et c'est dans le Carnaval de Venise de Campra (Glossa) qu'elle épanouit son génie dramatique, rendant une Léonore assez proche de cette tragédienne mariale qui rend au Nouveau Testament sa dimension dramatique. Avec les accords encore frais de la passion mariale dans les échos fantomatiques de l'abbatiale, nos pas se heurtent inexorablement à ceux quasi millénaires du cloître qui décline en filigranes de pierre sa prière et son calvaire. Sur le ciel, clairsemée, une poignée d'étoiles pare la traine de l'Erèbe paisible qui file au dessus du clocher d'Ambronay l'harmonie délicate des sphères.
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