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mise à jour 2 janvier 2014
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Interview
2. Morceaux choisis : quelques œuvres-phares de l’exposition librement commentées Muse Baroque : Et maintenant, parlez-nous de vos "coups de cœur... Pourquoi les loges du Palais Royal ? CAT n°37. Dessin de Pierre-Paul Sevin représentant des spectateurs installés sur trois niveaux dans des loges construites sur la scène du théâtre du Palais Royal à Paris. Une retombe (morceau de papier amovible) montre qu'au-dessus du soleil flanqué de cornes d'abondance, un rideau couvert de fleurs de lys, orné de deux génies portant les armes royales, dominait l'espace où paraissaient les artistes, et donnait plus de solennité au lieu de représentations.
Dessin (avec retombe pour le décor au-dessus du cadre de scène) à la pierre noire, à la sanguine, à l'encre brune et au lavis gris.
© Archives Nationales J.D.L.G. : ce dessin témoigne d’une pratique appelée à se poursuivre au XVIIIe siècle. Le point de départ était totalement inattendu : la salle étant trop étroite, l'idée est venue d'installer la suite du Dauphin sur la scène ! Lully s'y opposa dans un premier temps : il essaya de dissuader les courtisans d’y retourner en doublant le prix de ces places, mais cela ne les découragea guère, tant ils étaient soucieux de montrer leurs justaucorps et de courtiser les chanteuses et les danseuses... Bien sûr, cette disposition restreignait l’espace réservé à la scène, qui n'avait pas 10m de large, probablement au détriment de quelques châssis de décors supprimés.
M.B : Et le Ballet de Psyché ? CAT n°42. Projet de Giacomo Torelli pour la douzième entrée de la deuxième partie de Psyché ou la Puissance de l'Amour (musique de Lully, livret de Benserade et de l'abbé Butti), ballet donné au Louvre à partir du 16 janvier 1656. Le dessin représente Pluton, dieu des Enfers, dans un antre entouré de démons brandissant des serpents. Dessin à la pierre noire, repris à la pointe. © Archives Nationales J.D.L.G. : la partition, composée par plusieurs musiciens (dont Lully, sur des paroles en italien de Butti ou en français de Benserade) est aujourd'hui perdue. Seul, son livret est parvenu jusqu'à nous. Il s'agit de la scène des Enfers, qui correspondait à une tradition déjà attestée dans l'opéra italien. On distingue même deux traditions différentes : celle de Rome et de Venise, illustrée ici par Torrelli, qui fait des Enfers une grotte sombre, et celle de Florence, reprise par les Vigarani, qui les situent dans un palais fantaisiste. Ici, Lully incarne un des démons entourant Pluton (qui n'est autre que Louis XIV !), assis sur son char (au lieu d'un trône dans le livret), entouré de musiciens sur la scène. Ce qui est ici représenté devait correspondre assez précisément au décor réalisé.
M.B : Pourquoi la chimère de Bellérophon ? CAT n°83. Dessin de Jean Berain représentant une chimère animée pour Bellérophon (livret de Thomas Corneille et de Bernard de Fontenelle ; musique de Lully), tragédie en musique créée à Paris le 31 janvier 1679. Au verso, Berain a représenté le décor de rochers et de grottes où demeure la chimère.
© Archives Nationales J.D.L.G. : être fabuleux, cette chimère possède une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de dragon ! Elle a probablement été utilisée pour la reprise de l’opéra en 1705. L'intérêt du dessin est de la représenter telle qu'elle apparaissait aux spectateurs et de révéler aussi à côté comment elle pouvait être animée grâce à un machiniste dissimulé dans une carcasse d'osier… P. J. : … on sait grâce aux comptes de l’Opéra qu'il existait à Paris sous Louis XIV au moins un artisan spécialisé dans la production de ces carcasses de monstres, nommé La Varanne. J.D.L.G : De tels monstres étaient courants dans les représentations, ils faisaient partie du "merveilleux".
M.B : et le projet de Vigarani pour Le Malade Imaginaire ? CAT n°107. Projet de Carlo Vigarani pour le spectacle du Malade imaginaire (texte de Molière, musique de Charpentier), monté devant la Grotte de Théthis à Versailles, lors des grandes fêtes organisées en 1674 dans le parc du château pour célébrer la seconde conquête de la Franche-Comté. Dessin à la plume, à l'encre brune et à la pierre noire, avec des indications d'échelle et les annotations suivantes : "théastre devant la grote (sic)". © Archives Nationales J.D.L.G. : ce projet n'a peut-être jamais été entièrement réalisé, mais il est éloquent. Il a été conçu pour les Grandes Fêtes de Versailles de 1674, données à l'occasion de la seconde conquête de la Franche-Comté. Toute la noblesse locale de cette nouvelle province du royaume y était d'ailleurs conviée. La scène était placée devant la grotte de Thétys, aujourd'hui disparue. L'intérieur en était trop étroit et l'on construisit un décor éphémère qui utilisait la façade avec ses trois grilles dorées comme toile de fond. A l'époque, les grandes fêtes étaient ouvertes aux Parisiens. Il s'agissait donc de concevoir un décor capable d'accueillir la pièce de Molière, mort à peine un an auparavant. La musique était de Charpentier. Grâce à la gravure de Jean Le Pautre, on sait que le cadre de scène fut scrupuleusement réalisé. Vous noterez qu'il comporte des médaillons comparables à ceux qui ornaient la Grotte avec des motifs imitant des glaçons. P.J. : Les comptes des Menus Plaisirs relatifs à cette construction sont, du reste, conservés.
M.B : Evoquons enfin cette gravure de pompe funèbre...
CAT n°121. Gravure anonyme pour un almanach chargée d'illustrer l'année 1683 avec au milieu de la composition une représentation de la pompe funèbre de la reine Marie-Thérèse à Notre-Dame de Paris et tout autour celles d'autres cérémonies organisées dans cette ville et en province. © Archives Nationales J.D.L.G. : on y remarque celle qui fut imaginée pour les obsèques de Marie-Thérèse à Saint-Denis. C'est à cette occasion que Lully composa son Dies Irae. Ce qui est intéressant c'est de voir comment les pompes funèbres prennent la place des monuments funéraires qui n'étaient alors plus réalisés à Saint-Denis. Les décors éphémères prennent alors le relais des sculptures pérennes, pour procurer, au milieu du XVIIIe siècle et selon le Mercure de France, de "grands et magnifiques spectacles"...
M.B. : merci beaucoup pour cet entretien.
Propos recueillis par Bruno Maury et Viet-Linh Nguyen le 31 mars 2011.
Retour vers la première partie de l'interview
Exposition "Dans l'atelier des Menus Plaisirs du roi." Spectacles, fêtes et cérémonies aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Commissariat
Pierre Jugie, conservateur en chef, section ancienne de
la direction scientifique du site de Paris – Archives nationales
Du 19 janvier au 24 avril 2011. Archives Nationales, Hôtel de Soubise, 60 rue des Francs Bourgeois, 75003 Paris, du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14 à 17h30. samedi et dimanche de 14h à 17h30. fermé le mardi et les jours fériés
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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