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mise à jour 2 janvier 2014
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Interview
L'exposition "Dans l'atelier des Menus Plaisirs du roi. Spectacles, fêtes et cérémonies aux XVIIe et XVIIIe siècles." qui s'est tenue aux Archives nationales du 19 janvier au 24 avril 2011 a permis de ressembler une centaine de pièces exceptionnelles (croquis, dessins et gravures...) issue de l'Atelier des Menus Plaisirs du Roi. C'est avec émerveillement que nous vous avions relaté la découverte des œuvres de Bérain ou de Vigarani, d'un fond de scène ombragé à une machinerie de fontaine, d'une comédie-ballet à une tragédie lyrique, d'un costume de scène à un catafalque. Pourtant, même à la lecture du catalogue pourtant très complet, subsistaient nombres d'interrogations, à la fois sur la préparation d'une telle exposition et notamment sélection des œuvres (nous soupçonnions à tort une cabale anti-tragédies de Lully), et sur le souhait - désormais réalisé - de bénéficier de quelques éclairages moins centrés sur l'art graphique, tournés vers une analyse musicale faisant le lien entre les costumes et décors et les œuvres représentées. Aussi nous remercions vivement MM. Jérôme de La Gorce et Pierre Jugie, commissaires de l'exposition, d'avoir bien voulu accepter de nous recevoir et de répondre à notre insatiable curiosité.
(Les illustrations proviennent de la base de données Archim des Archives nationales. Certains clichés ont été légèrement recadrés pour des raisons de mise en page, les images originales, en haute résolution, sont disponibles par simple clic gauche). 1. L'organisation de l'exposition Muse Baroque : Comment vous est venue l'idée de monter cette exposition ? P. Jugie : Comme pour la plupart des nombreuses expositions offertes au public par les Archives nationales, celle-ci a été conçue pour mettre en valeur les principales découvertes faites lors de l’élaboration d’un inventaire scientifique, en l’occurrence celui des 866 œuvres d’art graphique contenues dans les Recueils des Menus Plaisirs du roi (conservés dans les archives des Menus Plaisirs, formant une partie du fonds de la Maison du roi). Cet inventaire est, quant à lui, désormais accessible sur le site Internet des Archives nationales, sous forme d’une base de données ("Menus Plaisirs du roi") dotée d’images numériques de haute qualité. J. de la Gorce : Cette exposition est le couronnement d'un patient travail d'identification. En effet les planches du fonds ont été collées sans ordre ni logique dans les recueils, sans légende, ni auteur, ni date. Et pendant longtemps les historiens du théâtre ont été des littéraires, qui privilégiaient le texte par rapport au décor des représentations, ce qui explique le relatif oubli de ce fonds. Pourtant Torelli, arrivé en France sous le ministère de Mazarin après une carrière vénitienne, à la demande d'Anne d'Autriche, a complètement révolutionné les techniques de la représentation théâtrale, en introduisant les changements de décor à vue, prouesse incroyable pour l'époque ! C'est donc à Torelli que l'on doit l'introduction de la mise en scène de l'opéra italien au sein de la tradition française du ballet de cour (scène infernale du Ballet de Psyché dansé en 1656 par le jeune Louis XIV - cf. infra). Le spectacle baroque était un spectacle sans interruption ; des pièces instrumentales qualifiées d'entractes étaient jouées pendant les changements de décor, afin de couvrir le bruit de la machinerie. Dans ce contexte, le merveilleux est à la fois céleste et infernal. Tous deux ont d'ailleurs des liens étroits avec le pouvoir politique, commanditaire de ces représentations. Servandoni a poursuivi cette tradition, en la développant. On importait un art d'Italie, en l’acclimatant à la tradition du grand théâtre français... CAT n°56. Projet de Jean Berain pour le décor de la troisième entrée de l'Europe Galante (musique de Campra, livret d'Antoine Houdar de la Motte), opéra-ballet créé à Paris le 24 octobre 1697. Dessin à la plume, à l'encre brune et au lavis brun, avec des traces de pierre noire. © Archives Nationales M. B. : Comment avez-vous procédé pour la difficile sélection des œuvres ? J.D.L.G. : Monter une exposition, c'est comme créer un spectacle... Sur 866 documents du fonds, il a fallu sélectionner 110 pièces, auxquelles se sont ajoutées une vingtaine de prêts (dont les maquettes d’Algieri, du milieu du XVIIIe siècle, conservées à Champs-sur-Marne). Les principaux critères de ce choix ont été : la volonté de réunir des originaux de qualité (mêmes si les projets n'ont pas tous été réalisés), la typologie des projets (elle coulait de source...), la volonté de privilégier les inédits. Ce travail a pris plus de trois ans, la seule élaboration du catalogue plus d’une année. P. J. : Jérôme de La Gorce a aussi insisté pour que les œuvres révélant des options différentes, soient privilégiées. Cela peut se traduire par des projets proposant à droite une solution différente de celle de gauche, ou encore l'utilisation de retombes (morceaux de papier ou de carton que l’on peut ouvrir ou fermer). M. B. : La scénographie a-t-elle posé des problèmes particuliers ? P.J. : La scénographie est extrêmement importante pour une exposition comme celle-ci, et nous pensons que Delphine Lebovici et Martin Michel ont remarquablement joué sur l'éclairage afin de mettre en valeur chacune des œuvres. Je me souviens autrefois d'expositions au Louvre même où les dessins paraissaient très pâles, presque ternes. Ici nous avons réussi – je l'espère – à évoquer les châssis des théâtres à l'aide d'une mise en espace très sobre, qui a su intégrer la perspective sur l'enfilade des salons de la Princesse de Soubise, du XVIIIème, accessibles aussitôt après l’exposition. CAT n°21. Projet de Jean Berain pour la statue de l'Hymen dans un temple de plan circulaire, à la scène 3 de l'acte V de Marthésie, reine des Amazones (livret d'Antoine Houdar de La Motte; musique d'André Cardinal Destouches), tragédie en musique créée à Paris, le 29 novembre 1699. Dessin à la plume, à l'encre noire et au lavis gris, avec des traces de pierre noire et des annotations de l'artiste. © Archives Nationales M.B. : Pourquoi l'exposition est-elle muette, sans musique, alors que son contenu semble n'attendre que cela ? P.J. : C’est un choix délibéré. En effet, il s'agit bien d'une exposition sur les arts graphiques dans l'atelier des Menus Plaisirs, non sur les arts du spectacle à la cour de France. Comme l'évoquait Jérôme de La Gorce, nous avons ainsi également sélectionné des projets qui n'ont jamais vu le jour, car ce qui nous intéressait avant tout était la création d’œuvres sur le papier : les esquisses, les dessins. M.B. : Comment s'est fait le travail d'identification des œuvres ? P.J. : Grâce à une convention passée entre le C.N.R.S (Centre André Chastel) et les Archives nationales, le travail a été effectué dans les meilleures conditions à la section des Cartes et Plans, où sont conservés tous les volumes de la collection Levesque J.D.L.G. : Le travail d'identification est un patient jeu de détective. Il faut reconnaître les mains des artistes, exploiter la moindre annotation, analyser les copies où les décors ont été réutilisés pour plusieurs spectacles. Les caractéristiques du papier doivent également être prises en compte. Aussi, la datation du projet pour le Carrousel de la Place Royale de 1612 (CAT n°93) a-t-elle pu être vérifiée grâce au filigrane du papier fabriqué en France en 1610. Il faut aussi se référer aux estampes (le décor d'Achille et Polyxène est ainsi reproduit sur le frontispice gravé de l'édition du livret), consulter les comptes, les gazettes (la Gazette de France, le Mercure galant) et les relations des contemporains à l'affut d'indices.
Vers la lecture commentée de 5 œuvres-phares
Propos recueillis par Bruno Maury et Viet-Linh Nguyen le 31 mars 2011. Exposition "Dans l'atelier des Menus Plaisirs du roi." Spectacles, fêtes et cérémonies aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Commissariat
Pierre Jugie, conservateur en chef, section ancienne de
la direction scientifique du site de Paris – Archives nationales
Du 19 janvier au 24 avril 2011. Archives Nationales, Hôtel de Soubise, 60 rue des Francs Bourgeois, 75003 Paris, du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14 à 17h30. samedi et dimanche de 14h à 17h30. fermé le mardi et les jours fériés
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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