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mise à jour 2 janvier 2014
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Interview
Il est l'heure de déjeuner, et nous privons Benjamin Lazar de quelques minutes précieuses de sustentation... Souriant, un brin fatigué, toujours élégant, le voici qui s'installe sur ce vieux fauteuil cabriolet de style Louis XV, au velours rouge râpé, pour cet échange en français contemporain. Muse Baroque : Benjamin Lazar, vous allez ce soir faire part de vos Visions, lors de la création à Arques la Bataille de ce spectacle avec Benjamin Alard autour de l'ouvrage de Francisco de Quevedo. Avant de parler de cette œuvre, de manière générale, ne pensez-vous pas que le choix du français restitué peut nuire à la compréhension du spectateur ?
Benjamin
Lazar : D'un point de vue
purement technique, non : la prononciation ne gêne pas du tout la
compréhension d'un texte du XVIIe siècle, dont il ne modifie en rien la
syntaxe. Il faut au spectateur un temps variable mais généralement assez
court pour repérer les quelques différences entre la prononciation courante
du français aujourd'hui et la prononciation employée au théâtre au XVIIe
siècle. MB : Votre approche est celle d’une reconstitution - ou plutôt d’une recréation – globale, prenant en compte l’ensemble des aspects du théâtre baroque, qu’il s’agisse de la gestuelle, de la prononciation, des déplacements, de l’éclairage, des costumes et décors. Cela a été le cas pour le Bourgeois gentilhomme, Il Sant’Alessio ou Cadmus & Hermione… Est-ce que vous espérez, au même titre que la « révolution baroque » d’il y a 40 ans, que ce modèle va se généraliser et devenir la norme pour les spectacles baroques ? B. L. : Je suis opposé à tout dogmatisme, et il serait bien triste qu'une approche singulière, issue d'une démarche personnelle et partagée avec une troupe de comédiens, devienne un jour une norme ! Ce que je souhaite c’est avant tout créer quelque chose de beau - je ne parle pas d'esthétisme. Au sein même de mon parcours, les choix scénographiques, par exemple, varient selon les spectacles. La source, pour moi, est dans la parole. Je pense à Étienne Binet et son Essay des merveilles de nature et des plus nobles artifices pièce très nécessaire, à tous ceux qui font profession d'éloquence (1622) qui écrit que « le monde entier est contenu dans la bouche ». J'ai eu l'occasion pour ma part de constater à quel point, avec certains textes de cette époque, la parole dressait à elle seule sa scène, ses décors, ses costumes et même sa lumière. Il faut ajouter à cela la gestuelle rhétorique, qui est une façon unique de lier la pensée inextricablement au corps, et de la rendre visible aux yeux des spectateurs. L'essentiel est là, ce qui fait que je ne me sens pas contraint d'utiliser systématiquement des toiles peintes pour donner vie à ce théâtre. MB : L’éclairage, la mise en scène ne sont alors qu’accessoire par rapport au langage ? B.L. : Non, c'est le troisième point, essentiel. Les bougies représentent une source fixe, qui conditionne la gestuelle et avec laquelle l’acteur doit jouer, savoir créer des ruptures et des moments selon qu’il s’en éloigne ou s’en rapproche. Cet éclairage agit donc directement sur l'art de l'acteur. On pourrait parler également de la qualité de lumière inégalable par tout moyen électrique qu'apporte cette lumière, tant pour l'acteur que pour le spectateur ; ou encore d'une qualité essentielle dans l'éclairage de théâtre : ne pas tout montrer, brouiller les pistes du regard.
© Google Books MB : Parlons à présent de ce spectacle de Visions, en collaboration avec Benjamin Alard. On a l’impression qu’il s’inscrit dans l’optique de l’Autre Monde d’après Cyrano de Bergerac par son côté rêveur et fantasque ?
B.L. :
Je connais Benjamin Alard depuis
des années ; nous avions déjà monté ensemble un récital de clavecin et de
poésie en Russie, et nous caressions l’idée depuis un moment de refaire un
spectacle lorsque l’occasion se présenterait, sans précipiter les choses.
A l’époque les Visions de
Quevedo ont eu un succès considérable : la traduction française du Sieur de
la Geneste date de 1632 et a été un grand succès de librairie qui a essaimé
dans toute l’Europe : il y a eu une centaine d’éditions durant le XVIIe
siècle.
Benjamin Lazar dans L'Autre Monde © Nathaniel Baruch
MB : Pourquoi associer ce texte à de l’orgue, et dans la pénombre ? B.L. : L’orgue est un instrument ambivalent. D’origine païenne, il a été reconverti en la voix de Dieu au sein des églises, mais il y loge comme une impressionnante bouche d'Enfer. L’obscurité qui règne dans le spectacle est faire pour renforcer cette force inquiétante que peut posséder l'orgue, comme elle sert à faire sortir la lumière noire de ces Visions, rêves éveillés où nous sollicitons beaucoup l'imagination du spectateur. MB : Vous avez dû faire des coupes dans le texte de Quevedo… B.L. : La sélection a été drastique ! Il a fallu faire un choix parmi les six visions, en vue de laisser suffisamment de place à la musique. J’ai privilégié les visions de la Mort et des Enfers, auxquels se rajoutent de petits extraits des autres visions tels l’Enfer réformés et Vision du Jugement final. MB : Pour finir, quels sont vos prochains projets ? On se réjouirait d’une tragédie lyrique de Rameau par exemple ? B.L. : Pas pour le moment… Il y aura l’Egisto de Cavalli à l’Opéra Comique où je retrouve le travail sur la lumière de Pyrame & Thisbé. Ce dernier de même que l’Autre Monde seront également repris cette saison. MB : Merci beaucoup Benjamin Lazar d’avoir accepté de répondre à nos questions.
Propos par Viet-Linh Nguyen le 27 août 2011.
Créée lors de la saison 2009-2010,la pièce
Les Amours tragiques de Pyrame et
Thisbé de Théophile de Viau partira en tournée en novembre
2011 :
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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