Rédigé par 11 h 43 min CDs & DVDs, Critiques

Maubeuge, terreau de musiciens

Durant la première moitié du XVIIIe siècle, cette ville de notre actuel Nord-Pas-de-Calais apparaissait comme un pôle majeur de l’enseignement musical du nord de la France. Le célèbre compositeur Joseph Gossec (1734-1829), codirecteur du fameux Concert Spirituel en 1773, s’y rendit en effet pour étudier le violon.

Marie-Alexandre GUÉNIN (1744-1835)

« Marie-Alexandre Guénin, Violon du Roy »

guenin_hemiolaSonate en trio en Si bémol Majeur, Opus 1                                          
Sonate en trio en Sol mineur, Opus 1
Duo n°1 en Do Majeur, Opus 15
Duo n°3 en Sol Majeur, Opus 15

Ensemble Hemiolia
Bérengère Maillard et Patrizio Germone (violons)
Claire Lamquet (violoncelle)

51’90, enr. 2009, disponible via le site de l’ensemble Hemiola

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Durant la première moitié du XVIIIe siècle, cette ville de notre actuel Nord-Pas-de-Calais apparaissait comme un pôle majeur de l’enseignement musical du nord de la France. Le célèbre compositeur Joseph Gossec (1734-1829), codirecteur du fameux Concert Spirituel en 1773, s’y rendit  en effet pour étudier le violon. Marie-Alexandre Guénin, contemporain et ami de ce-dernier, n’eut pas à se donner la peine du déplacement puisque Maubeuge est sa ville natale. De même qu’elle est celle de la violoncelliste Claire Lamquet qui a choisi de consacrer le premier enregistrement de son ensemble à celui qui partage ses origines. Laissons à Claude Role le soin de nous renseigner, dans le livret du disque, sur la vie de ce musicien sorti des oubliettes de l’Histoire, et précisons simplement qu’il jouit à son époque d’une grande renommée, en tant que violoniste et compositeur. De son œuvre – purement instrumentale –  il nous reste plusieurs duos et trios pour violons et violoncelles, des concertos et des symphonies, formant un total de vingt-cinq opus.

Créé en 2008, le jeune ensemble Hemiolia a sélectionné un échantillon, peut-être un peu bref, des œuvres écrites par Guénin, mais il n’en est que plus convaincant. Bien que les musiciens ne soient qu’au nombre de deux ou trois, les différentes pièces ne dénotent d’aucune pauvreté ni petitesse de couleurs ou de son, comme on pourrait le craindre. L’on découvre bien au contraire un excellent équilibre de prise de son entre les instruments qui dresse un riche décor de sonorités à la fois nombreuses et nuancées et qui confère aux dynamiques un plus grande relief. Ainsi rendue intelligible, l’harmonie plaisante de Guénin peut se développer dans la plus grande clarté ; l’on remarque alors qu’il existe un véritable dialogue entre les différents mouvements d’une pièce et les différentes voix – notamment dans le Duo n°3 en Sol Majeur  – dialogue simple mais agréable car l’auditeur se sent invité à y participer, par son écoute.

Si Patrizio Germone peine parfois à maintenir la stabilité du tempo et manque encore de précision d’attaque, Claire Lamquet se révèle être une violoncelliste particulièrement virtuose et expressive. Avec discrétion, elle assure la mobilité de l’ensemble et l’on sent une présence réelle et constante tout au long de l’enregistrement. Sous ses doigts, l’instrument chante généreusement. Dans « l’Allegro moderato » du Duo n°1 en Do Majeur, une douce chaleur nous envahit de l’intérieur, comme lorsque, après avoir longtemps marché dans l’ombre froide des montagnes, l’homme s’abandonne avec plaisir au réconfort que lui offre un granit ayant recueilli durant tout le jour les rayons bienfaisants du Soleil. Gorgé de cette lumière souriante, son timbre se laisse façonner par un archet habile et volontaire qui accorde à toutes les notes une attention égale, selon la place qu’elles tiennent au sein d’un phrasé toujours très construit.

Cette assise sûre permet aux deux dessus de soigner davantage les mélismes et entrecroisements de leurs voies, notamment dans la Sonate en sol mineur qui donne matière à l’expression d’un lyrisme sombre et tourmenté par des effets de retards harmoniques ou de contre-temps.

Bien qu’il n’ait pas encore atteint sa pleine maturité, l’ensemble Hemiolia formule déjà par ce premier enregistrement de nombreuses promesses pour les projets à venir. Nous ne pouvons que l’encourager à poursuivre ses recherches sur les compositeurs oubliés, travail dont espérons un jour pouvoir goûter les fruits.

Isaure d’Audeville

Technique : prise de son très aérée qui apporte à cet enregistrement espace et luminosité.

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 23 novembre 2020
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