Rédigé par 9 h 03 min CDs & DVDs, Critiques

Reloaded (Bach, Goldberg Variations reimagined, Podger, Brecon baroque – Channel Classics)

Jean-Sébastien Bach

Goldberg Variations Reimagined
(transcription par Chad Kelly)

Rachel Podger, violon
Brecon Baroque

1 SACD hybride, Channel Classics, 2024, 81’24.

Incroyable. Extraordinaire. Impensable. Audacieux. Iconoclaste. Interdit ? Si il est relativement commun de transposer l’Art de la Fugue ou l’Offrande Musicale pour une famille d’instruments (cornets et sacqueboutes, violes), cette transcription-ci vire à la re-écriture, et donc à la trahison. Chad Kelly parle de Goldberg « reimagined » et c’est bien de cela dont il s’agit, des Goldberg intégralement re-orchestrées, re-arrangées, finissant en sonates de style galant ? Nous étions bien peu convaincus, en entendant parler du projet et en voyant cette jaquette blanc et or. Et puis il y a la première variation, pour violon et clavecin, et cet archet de Rachel Podger, pur, d’une clarté un peu coquette, d’une grande immédiateté. Une Variatio 1 qui rappelle la dynamique bondissante des Brandebourgeois par son violoncelle bien ancré, une seconde avec violon, hautbois et basson, qui vire vers le concert royal couperinien, et un vocabulaire plus aristocratique qui n’aura pas déplu à Köthen. On se laisse aller, et nous voici déjà à la Variation 27, bien tempérée, souriante, son violoncelle dialoguant avec le violon comme une confidente qui s’épanche avec ce traverso pastoral et ce basson bougon qui font irruption avec espièglerie. Tout sonne incroyablement « bacchien » et parvient à reconstruire une œuvre plus vraie que nature, à la fois de par l’intelligence de la réécriture, et le talent des interprètes du Brecon Baroque, et évidemment de Rachel Podger, sensible, fragile, disserte, joueuse. Alors la luxuriance changeante de l’orchestration pourra en dissuader plus d’un, la variété un peu narcissique des solistes, le tourbillon constamment extraverti, la virtuosité affirmée. Certains confrères ont dénoncé un « salmigondis ». Nous serons moins sévère et presque attendri devant cet essai surprenant, inégal selon les mouvements, bien conçu (la Variation 29 et son tutti orchestral généreux), toujours intéressant, parfois convaincant et d’une témérité musicale à laquelle il faut rendre justice, même si la reprise finale de l’aria, façon Ouvertüre privilégie le spectaculaire à l’intime. Pour les curieux.

 

Viet-Linh NGUYEN

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 19 mars 2024
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