A quelques jours de Noël, si votre fils de huit ans ne jure que par le générique de la Pat ‘Patrouille, que votre fille monopolise vos enceintes avec “Libérée, Délivrée”, si votre chat s’est fait les griffes sur vos partitions des concertos de flûtes de Vivaldi et que vos voisins passent à outrance Maria Carey, et pour peu que vous lisiez cet article aux toilettes, dernier lieu de calme de votre foyer, notre Muse Baroque vous vient en aide.
La célèbre firme danoise spécialisée dans la petite brique colorée sort ce coffret Lully, permettant à vos jeunes enfants de découvrir tout l’univers du maître de musique florentin…mais aussi celui du Giallo transalpin (période Lucio Fulci ou Umberto Lenzi), le sang issu du fatal coup de bâton de mesure étant particulièrement bien rendu. Assez pour ne pas s’attarder sur sur des perruques trop stylisées ou des couvre-chefs anachroniques. Ce jouet sanguinolant est fait pour vos enfants et déjà vous pensez à ce que pourrait donner une boîte intitulée “Stradella déambulant dans les rues de Gênes” (ou bien “Stradella donnant une leçon de musique“, mais alors réservée à un public averti…). Nous sommes fin 1686, pour fêter la guérison du roi, Lully prévoit une fastueuse exécution de son Te Deum. Lecerf de La Viéville écrit :
“C’était aux Feuillants de la rue Saint-Honoré. Lully n’avait rien négligé à la composition de la musique et aux préparatifs de l’exécution, et pour mieux marquer son zèle, il y battait la mesure. Dans la chaleur de l’action, il se donna sur le bout du pied un coup de canne dont il la battait. Il y vint un petit ciron qui augmenta peu à peu. Monsieur Alliot, son médecin, lui conseilla d’abord de se faire couper le petit doigt du pied, puis, après quelques jours de retardement, le pied entier, puis la jambe. Il se présenta un aventurier de médecine qui se fit fort qu’il le guérirait sans cela. Messieurs de Vendôme, qui aimaient Lully, promirent à ce charlatan, en cas qu’il vînt à bout de cette cure, deux mille pistoles, qu’on consigna même, ou je suis trompé. Mais la bonté si noble et si bien placé de Messieurs de Vendôme et les efforts du charlatan furent inutiles.”
Philippe Beaussant ne croit gère à ce fatal coup de canne, car l’on sait que Baptiste dirigeait à la cour avec une partition roulée inoffensive ; Jérôme de La Gorce trouve l’épisode tragique tout à fait crédible, dans le cadre d’une exécution à grands effectifs. Mais ce n’est pas le débat historique qui empêchera l’achat de ce jouet. Au risque de brutalement réfréner votre enthousiasme, vous ne pourrez glisser cette boîte collector sous le sapin. Cette photo, comme beaucoup d’autres (nous vous recommandons celles illustrant Boulez dans son laboratoire ou le final du Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc) a été crée par Intelligence Artificielle, maniée avec un humour certain par Tarik O’Regan, compositeur anglo-américain s’étant notamment illustré en 2023 lors de couronnement de Charles III par son Agnus Dei.
Nous sentons poindre en vous une certaine déception, celle des espoirs déçus. Deux solutions pour lutter contre celle-ci : Vous plonger dans Le Noël de la Muse, pour y glaner quelques idées tout à fait matérielles…ou bien vous réécouter le Te Deum de Lully, objet du fameux coup de bâton. P.H
Étiquettes : Jean-Baptiste Lully Dernière modification: 19 décembre 2023
