« And the man in the record shop showed me another one you’d love »
Gustav Leonhardt & Woody Allen. L’association semble pour le moins incongrue. Qu’y a t-il de commun entre le cinéaste et acteur New-Yorkais volubile et le musicien réformé hollandais énigmatique, au calme et à la dignité olympiennes, pourtant amateur de voitures de courses ? Si la carrière cinématographique du grand claveciniste fut brève – il incarna Bach lui-même dans les Chroniques d’Anna Magdalena Bach (avec Harnoncourt en Prince d’Anhalt-Cothen !) de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (1968) en dépit de l’absence totale de ressemblance physique – on le retrouvera de manière invisible dans Hannah et ses sœurs (1968) à travers son toucher précis et pourtant délicat.
Souvenez-vous : le personnage de Michael Caine (Eliott) est secrètement épris de la sœur de sa femme Hannah, Lee, et leur coupables affections se noueront au son de Bach… Car pour illustrer les mystères de l’Amour, quoi de plus naturel que de convoquer ce qui est décrit comme le « 2ème mouvement » d’un concerto, dans l’échange fameux ci-dessus (vers 2’16). L’avez-vous reconnu ? Il s’agit en fait du magnifique et bref Largo très italianisant du Concerto pour clavecin en fa mineur BWV 1056, dont le traitement mélodique laisse fortement suspecter une transcription d’un concerto perdu pour violon, un Largo de transition flottant à la manière vénitienne, élégiaque et poétique.
Ce sera le tic-tac lancinant de la passion, rythmant les intertitres de cette chronique chorale inimitable, aussi drôle que touchante. Jean-Seb’, quand tu nous tiens… [V-L.N.]
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