Rédigé par 5 h 10 min Concerts, Critiques

« La vengeance flatte la gloire ; Mais ne console pas l’Amour. » (Rameau, Castor & Pollux, Concert Spirituel, Niquet – TCE, 17/10/2014)

Au terme de cette année Rameau, c’est avec Castor & Pollux qu’Hervé Niquet initie son propre hommage au grand compositeur, hommage qui se poursuivra en novembre par le Gala Rameau. Tragédie éminemment guerrière, dépourvue dans sa version de 1754 de l’usuel prologue politique, elle recèle toute l’exubérance mélodique de Rameau, et déploie dans ses harmonies ce qu’Hervé Niquet n’hésite pas à appeler le summum de l’abstraction.

Castor et Pollux, TCE

Jean-Philippe Rameau, Castor & Pollux

Chœur et Orchestre du Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet

Théâtre de Champs-Elysées, vendredi 17 octobre 2014

 

Castor et Pollux, TCE

Photo : Vincent-Pontet

Tragédie lyrique en cinq actes (version de 1754)
Livret de Pierre-Joseph Bernard

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Castor : John Tessier
Pollux : Edwin Crossley-Mercer
Télaïre : Omo Bello
Phœbé : Michèle Losier
Jupiter : Jean Teitgen
Mercure/un spartiate/un athlète : Reinoud Van Mechelen
Cléone/une ombre heureuse : Hasnaa Bennani
Le Grand Prêtre : Marc Labonnette

Chœur du Concert Spirituel :

Agathe Boudet, Alice Glaie, Aude Fenoy, Marie Serri, Marie-Pierre Wattiez, Anne-Marie Baudette, Caroline Bardot, Edwige Parat, Lucie Niquet-Rioux, Virginie Lefebvre (dessus)
Clément Debieuvre, Paul Figuier, Yann Rolland, Damien Brun, Charles Barbier, Marc Scaramozzino (hautes-contre)
Edmond Hurtrait, Pierre Perny, Gauthier Fenoy, Eric Raffard, Randol Rodriguez, Emmanuel Hasler (tailles)
Guillaume Orly, Julien Clément, Laurent Bourdeaux, Paul Willenbrock, Pierre Corbel, Benoît Descamps (basses) 

Orchestre du Concert Spirituel :

Alice Piérot, Nathalie Fontaine, Mathieu Camilleri, Andrée Mitermite, Louis Creac’h, Koji Yoda, Olivier Briand, Géraldine Roux, Tiphaine Coquempot, Yannis Roger, Florence Stroesser, Paul-Marie Beauny (violons)
Alain Pegeot, Marie-Liesse Barau, Myriam Cambrelling (hautes-contre de violon)
Fanny Paccoud, Samantha Montgomery, Françoise Rojat (tailles de violon)
Tormod Dalen, Hilary Metzger, Julie Mondor, Nils De Dinechin, Geneviève Koerver, Béatrice Gilon (violoncelles)
Luc Devanne, Marion Mallevaes (contrebasses)
Héloïse Gaillard, Luc Marchal, Vincent Blanchard, Yanina Yacubsohn (hautbois)
Alexis Kossenko, François Nicolet, Anna Besson, Akitsu Orii (flûtes)
Mélanie Flahaut, Nicolas Andre, Stéphane Tamby, Krzysztof Lewandowski (bassons)
Jean-Baptiste Lapierre, Jean-Luc Machicot (trompettes), Isabelle Cornelis (percussions), Elisabeth Geiger (clavecin)

Danseurs :
Camilla Brezzi, Camille Brulais, Florent Cheymol, Julie Dariosecq, Willy Laury, Laurent Le Gall, Charlotte Nopal, Julien Ramade, Claire Tran, Joan Vercoutere

Christian Schiaretti (mise en scène), Florent Siaud (dramaturgie), Andonis Foniadakis (chorégraphie), Rudy Sabounghi (décors), Thibaut Welchlin (costumes), Laurent Castaingt (lumières)

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Théâtre des Champs-Elysées, Paris – 17 octobre 2014

Au terme de cette « année Rameau », c’est avec Castor & Pollux qu’Hervé Niquet initie son propre hommage au grand compositeur, hommage qui se poursuivra en novembre par le « Gala Rameau ». Tragédie éminemment guerrière, dépourvue dans sa version de 1754 de l’usuel prologue politique, elle recèle toute l’exubérance mélodique de Rameau, et déploie dans ses harmonies ce qu’Hervé Niquet n’hésite pas à appeler « le summum de l’abstraction ».

L’Orchestre du Concert Spirituel se montra ce soir débordant d’énergie et de sensualité, faisant la part belle aux pupitres des vents. Les bassons notamment, bourdonnant dans leur registre ténor, empruntèrent dans les danses le fort caractère de la vièle et dotèrent l’orchestre d’une belle aura cuivrée. Par sa réalisation chantante, Elisabeth Geiger apporta du liant à la trame mélodique et permit d’en savourer les singularités. Les espiègleries d’écriture furent pour leur part rendues à merveille, piccolos et basses se bousculant joyeusement et avec mordant, donnant à l’écartèlement des ambitus propre à Rameau un tour très vivant. Le Chœur déploya une puissance impressionnante, chacun dessinant avec clarté les courbes de sa partie (« Chantons l’éclatante victoire ») et portant le texte avec force. La musique se mit à danser en un large kaléidoscope mouvant. Personnage à lui tout seul, il incarnait tantôt le peuple des Spartiates, tantôt les Ombres Heureuses, et toujours avec une grande justesse d’expression.

Photo : Vincent Pontet

Photo : Vincent Pontet

La distribution des solistes fut en revanche assez inégale. Est-ce dû aux choix de mise en scène parfois sans apport dramatique, à la disposition sur le plateau, à la fatigue des nombreuses représentations… seuls Reinoud Van Mechelen, Marc Labonnette et Edwin Crossley-Mercer incarnèrent au sens fort leurs personnages, tant par leur présence scénique que par la maitrise de leur voix et de l’expression. Véritable héros de la tragédie, Pollux se montra à la fois vaillant et fragile, demi-dieu acceptant de renoncer à l’immortalité pour permettre à son frère de recouvrer la vie. Reinoud Van Mechelen quant à lui fit montre d’une belle souplesse vocale suivant les personnages qu’il incarnait, attestant notamment d’une grande hardiesse dans l’air de l’athlète « Eclatez, fières trompettes ! » (Acte II, scène 5).

Les danses d’Andonis Foniadakis semblèrent la plupart du temps sans rapport avec la musique, comme en décalage avec ses affects. Les corps souples des danseurs empruntèrent souvent les mêmes chemins, toujours à un rythme très actif, un peu saccadé, quand bien même l’action invitait à la tendresse et la mélancolie (retrouvailles de Castor et Pollux aux Enfers), à plus de douceur et d’abandon. Les danses firent en revanche un grand effet dans les scènes de combat (Acte II).

Le génie d’Hervé Niquet et du Concert Spirituel se manifesta ce soir dans tout son éclat, à travers les ornements charnus et roucoulants, la suavité des courbes et la finesse du détail. Mais l’impulsion vivante donnée à la partition de Rameau perdit malheureusement de sa vitesse par un manque d’homogénéité entre la scène et la fosse, quand bien même les décors furent pensés comme prolongement ou miroir de la salle du TCE. Un manque ou un trop de quelque chose qui fit que la mayonnaise de la tragédie lyrique ne prit pas, et qu’à la sortie, l’on était en quête de poésie. 

Isaure Lavergne

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 5 novembre 2014
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