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Des cordes bien sympathiques

175, c’est le nombre d’œuvres pour baryton à cordes que l’infatigable Haydn composa au service du Prince Nicolas 1er Esterhazy violoncelliste, gambiste et barytoniste. Cet instrument au nom et à la sonorité poétiques, qui se répandit surtout entre Hambourg et Vienne, est en fait une sorte de viole de gambe…

Joseph HAYDN (1732-1809)

Trios pour baryton à cordes n° 109, 96, 87, 97.

 

haydn_trio_barytonAria Lachrimae Consort :
Philippe Foulon, barytons à cordes
Silvia Failla, alto d’amour
Philippe Le Corf, violone d’amour 

60’01’, SM Classique, 2012.

 [clear] 175, c’est le nombre d’œuvres pour baryton à cordes que l’infatigable Haydn composa au service du Prince Nicolas 1er Esterhazy violoncelliste, gambiste et “barytoniste”. Cet instrument au nom et à la sonorité poétiques, qui se répandit surtout entre Hambourg et Vienne, est en fait une sorte de viole de gambe disposant de cordes métalliques sympathiques placées sous le manche et qui résonnent avec celles jouées par l’archet. Au fil du temps, l’on perfectionna l’instrument, si bien qu’à l’époque de Haydn, les cordes sympathiques peuvent également être pincées par le pouce gauche du musicien, produisant un son proche des cordes graves de la mandoline. Le timbre du baryton à cordes, très particulier, était considéré par Charles Burney comme un “instrument ingrat” allant jusqu’à écrire qu’ “une voix humaine de la même qualité serait intolérable”. Le Lachrimae Consort, fidèle à son exploration des instruments rares, a choisi pour accompagner ces trios pour baryton deux autres instruments pourvus également de cordes sympathiques en une brillante réfutation du jugement du musicologue anglais.

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Philippe Foulon et son baryton à cordes - DR

Philippe Foulon et son baryton à cordes – DR

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Le style de Haydn n’est pas ici sans rappeler celui du baroque finissant d’un Boccherini ou d’un CPE Bach. Dès les premières mesures du trio n°109, l’auditeur est surpris par les sonorités voilées, très grainées, riches en harmoniques, des trois instruments, avant de s’habituer à cette sorte de halo de gaze, qui confèrent aux notes une enveloppe de velours. Philippe Foulon,  Silvia Failla et Philippe Le Corf établissent ainsi un climat intimiste et chaleureux, d’une souplesse ouatée, dénotant un équilibre apaisé et lumineux. L’Adagio, ample, très articulé, à la mélodie généreuse et nostalgique, d’un lyrisme élégant laisse la place à un Allegro dansant moins recherché, et débouche sur un Menuet franc et carré. Dans le très bel Adagio (le mouvement introductif étant le plus ambitieux de chacun de ces trios), les trois musiciens parviennent avec subtilité à insuffler peu à peu une dynamique vagabonde par l’entrelac sensuel des pupitres, refusant toute rupture trop brutale, laissant pleinement la suavité du timbre des instruments tendre un tapis velouté aux contours évocateurs. Le revers d’une telle lecture, et d’un tel rassemblement de cordes sympathiques, est le manque de nervosité et de tranchant des mouvements plus vifs : l’Allegro di molto peine ainsi à affirmer sa virtuosité. C’est donc dans les grandes pages descriptives, à la contemplation apaisée, où la douceur des archets berce l’auditeur dans un sommeil onirique opiacé, zébré ça et là des pizzicati métalliques, comme dans le grand Adagio cantabile du trio n°97, plus ambitieux que les autres puisqu’il comprend 7 mouvements dont une Polonaise aux accents populaires et rustiques, et un finale d’une noblesse agile avec de beaux départs en imitation. Au-delà de l’intérêt musicologique de ce disque, cette causerie aimable et raffinée, d’une sérénité amollie et tendre, réchauffera sans peine les soirées d’hiver.

Monique Parmentier

Technique : d’une délicate clarté, les 4 instruments sont de manière égale et avec beaucoup de souplesse mis en valeur.

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 23 novembre 2020
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