Rédigé par 19 h 39 min CDs & DVDs, Critiques

Théâtre liégeois (Hamal, Motets, Scherzi Musicali, Achten – Musique en Wallonie)

Jean-Noël HAMAL (1709-1778)
Motets
Astra Coaeli
Ite O pompae fallaces
Obstupescite gentes
Ece panis angelorum

Wei-Lian Huang, soprano
Andrea Gavagnin, contre-ténor
Francesco Manalich, ténor
Nicolas Achten, baryton

Scherzi Musicali
Direction Nicolas Achten

1 livre-disque carré, enr. 2021, collection Musique en Wallonie, 68’34.

A l’Archevêque de Liège.

Monseigneur,

Ce Monsieur Jean-Noël Hamal dont tant de compositions sont conservées à la Bibliothèque du Conservatoire de notre bonne cité (83 motets, 46 messes, 23 psaumes, et j’en passe) a vu sa gloire rejaillir grâce à l’interprétation enjouée, nerveuse, colorée et virtuose de l’orchestre Scherzi Musicali sous la baguette de son berger Nicolas Achten. Ce dernier ferait mieux de mettre son talent au service de causes plus ferventes, comme il l’a fait par le passé avec les excellentissimes petits motets de Fiocco. Eux-aussi étaient italianisants. Mais ils n’osaient atteindre ce degré de débauche opératique préclassique, qui sied bien mieux à l’opéra qu’à l’autel. Les interprètes ont tenté de le celer en ne mettant pas sur la quatrième de couverture les noms des chanteurs solistes. Mais nous fera t-on croire pour autant qu’il s’agit uniquement que d’un chœur à l’antique quand les arias da capos s’étirent sur des démesures (“Contenta ridendo” de l’Astra caeli), quand un contre-ténor (Andrea Gavagnin) s’époumone en faisant valoir un timbre agréable, un phrasé ciselé, accompagné d’un orchestre impliqué et si présent ? Je n’ai pas même mentionné les ornements omniprésents, la préciosité extravertie et lumineuse, un assaisonnement assurément charmeur et digne du Concert Spirituel parisien… Je tentai de passer à l’air suivant “Ah, Silanguet cor” où  la soprano au timbre clair et à la projection droite Wei-Lian Huang, très mozartienne s’exprime avec sensualité sur près de 8 minutes de croches et doubles croches ! Où donc va notre siècle, Monseigneur ? J’en viens à l’air final de ce premier motet, qui est à l’avenant : 11 interminables roucoulades d’un ténor (Francesco Manalich) qui ne manque pas de prestance ni d’enthousiase, et où l’orchestre bouillonne avec une paire de cors (joués sans correction pavillonnaire comme il se doit) et des sonorités d’une opulence épaisse. Pensez-vous que pareils motets puissent convenir à l’ordinaire d’une honnête paroisse ?

Que de vitalité, que d’énergie, que de séduction ! Vous m’objecterez que ces œuvres furent jouées aux Grands Concerts ou à l’occasion de fêtes particulières et que la cathédrale Saint-Lambert ne les a peut-être jamais accueillis. Quel soulagement ! Car l’on se croirait chez Paisiello (dont certains traits font penser à une paternité probable pour l’Astra Caeli précité et qui constitue le motet le plus spectaculaire de cet opus), Tartini, voire Mozart. Les trois autres motets quoiqu’inventifs sont nettement plus sages : les soli sont plus brefs, des chœurs d’une céleste pureté présents, et le contrepoint quoique moderne d’une sureté d’écriture remarquable tel dans le chœur introductif du Obtupescite gentes qui s’étiole ensuite dans des airs parfois un peu superficiels (“Recedent vetera” que la basse grainée de Nicolas Achten ne sauve pas d’une certaine vacuité narcissique). 

J’espère que ma protestation contribuera à faire revenir les mœurs musicales liégeoises dans le droit chemin, et je reste, Monseigneur, votre très humble et très dévoué serviteur.  

 

Viet-Linh NGUYEN

Technique : enregistrement dynamique et clair.

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 17 avril 2022
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