Carlo FARINA (ca 1600-1640)
Capriccio Stravagante, Sonate
[TG name= »Liste des morceaux »]
Pavana a 4 No. 3, Libro IV
Sonata detta la Desperata a 2, Libro V
Canzon detta la Marina a 2, Libro I
Sonata detta la Moretta a 3, Libro I
Balletto a 3, Libro I
Passamezzo a 3, Libro IV
Sonata detta la Farina a 2, Libro I
Capriccio stravagante a 4, Libro II
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Ensemble Clématis
Direction Leonardo García-Alarcón
60′, Ricercar, 2009
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Carlo nous a roulé dans la farine. Nous ne connaissons pas même sa date de naissance, qu’on imagine formé à Mantoue où il aurait passé sa jeunesse musicale aux côtés de Monteverdi, Rossi ou Buonamente, assisté à la création de l’Orfeo, voire accompagné le grand Claudio dans son périple vénitien. On retrouve sa trace à Prague en 1625puis dès l’année suivante il devient violoniste de la Cour de Dresde où officie Heinrich Schütz avant de partir à Cologne vers 1629. Les seuls recueils publiés de Farina datent de ses prolifiques années à Dresde où paraissent 5 livres entre 1626 et 1628. Ces derniers recèlent très majoritairement des danses, avec peu de pièces typiquement italiennes et une œuvre tout à fait unique, le célèbre Capriccio Stravagante. Contenu dans le 2ème Livre, le Capriccio enchaîne avec une déconcertante spontanéité des imitations d’animaux et d’instruments de musique…
Mais assez de ces précisions contextuelles, et voyons ce que nous réserve ce florilège glané par Leonardo García-Alarcón. On entend d’abord quelques notes d’une douceur de velours, de celles que l’on murmure dans la tiède pénombre, sur lesquelles dansent le violon de Stéphanie de Failly et l’alto de Girolamo Bottiglieri traçant leurs arabesques sensuelles. D’emblée Clematis affiche une ligne pure, reposée, d’une extrême fluidité. Les attaques sont rondes, la fusion des cordes (violons & basses de violes) totale, le théorbe de Thomas Dunford en retrait. La Pavana III a 4 est plus rêveuse que dansante, d’une grâce éthérée, un brin mélancolique. Le phrasé coulant, les temps fondus contribuent à étendre l’espace, à brouiller les repères, donnant l’impression d’un discours ondoyant. La noble Sonata detta la Desperata confirme cette amertume lasse, avec une mélodie esquissée que l’on aurait parfois voulu plus fermement tracée. On admire le timbre grainé des cordes, leur justesse et leur micro-nuances, doublée d’une aisance naturelle dans des ornements nonchalamment lancés. La très vaste Canzondetta la Moretta a 3 toujours aussi introvertie (décidément Clématis ne sourit guère !) possède un charme lancinant et insidieux encore plus flagrant dans la Sonata detta la Farina a 2.
On regrette cependant le manque de variété des tempi à la fois au sein de chaque pièce et entre les morceaux du programme dont l’écoute intégrale peut se révéler éprouvante en raison de l’uniformité des climats et la tristesse poétique un peu contemplative qui enveloppe presque tout l’enregistrement. Les passages en imitation un peu virtuoses sont impeccablement exécutés, mais manquent de liberté et de panache jusqu’au Capriccio Stravagante final qu’on a connu beaucoup plus brut sous la baguette d’Harnoncourt. Gorgé de couleur jusqu’à la sève, empli de rupture de ton, passant du ternaire au binaire avec une troublante facilité, présentant enfin quelques échos populaires et rythmés, d’imprévisibles sautes d’humeur, des combinaisons de timbres changeantes, quelques coups d’archet sul ponticello et des cordes écrasées à l’unisson de manière menaçante, ce Capriccio à lui seul, magnifiquement rendu par un Ensemble Clematis soudain revigoré et d’une verve bouillonnante, vaut sans aucune hésitation le détour.
Armance d’Esparre
Technique : prise de son naturelle et directe