Francesco FEO (1691-1761)
Missa, Confitebor à 5
Anja Zügner (Soprano)
Dorothea Wagner (Soprano)
Dominika Hirschler (Alto)
Tobias Hunger (Ténor)
Tobias Berndt (Basse)
Sächsisches Vocalensemble
Batzdorfer Hofkapelle
Dir. Matthias Jung
58’04, CPO, 2009
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Les passionnés de musique baroque ont souvent l’esprit entreprenant de l’archéologue. C’est parfois sous les noms les plus méconnus que se trouvent les trésors enfouis, les perles cachées de l’art baroque. Il est fréquent d’être surpris, à l’écoute de ces musiques oubliées, que leur éclat n’eut point percé le brouillard des siècles avec une force qu’elles semblaient porter. Tel est le cas de Francesco Feo, illustre maître napolitain issu du célèbre conservatoire della Pietà dei Turchini, mais n’a pas attiré les faveurs des baroqueux malgré une vingtaine d’opéras. Celui que le voyageur infatigable Charles Burney qualifia d’être “l’un des plus grands maîtres napolitains de son temps” se fait entendre enfin en 2009 avec l’enregistrement de cette Messe et le Confitebor dresdois des années 1720.
La Messe représente une œuvre démonstrative et grandiose, mêlant avec panache le stilo anticho dont les polyphonies se font entendre dans la deuxième partie du « Kyrie » et le style purement napolitain, quasi opératique, dans le « Gloria » aux trompettes prophétiques et les « Qui Tollis » à la fois solennels, festifs et sensuels; sans oublier l’ « Agnus Dei » à la fois doux et pastoral. La tonalité résolument optimiste, l’alternance entre chœurs convaincus et échappées solistes virtuoses irradient les diaphanes églises rococo de Dresde de la chaleur du soleil de Naples. Le psaume Confitebor, quant à lui, est un petit bijou qui éclate dès le Prélude comme une invitation à la célébration de l’alliance des fidèles avec le divin. On notera en particulier le « Redemptionem misit » recueilli avec des cors hiératiques qui accompagnent le chœur et un « Intellectus bonus » sensible, d’une joie et d’une profondeur merveilleuses.
Pour rendre justice à Feo, Matthias Jung a opté pour les voix lumineuses du Sächsisches Vocalensemble. Le chœur fait preuve d’une maîtrise et d’un sens des nuances remarquables, dénotant un enthousiasme et une cohésion doublés d’une belle lisibilité des pupitres. Côté solistes, on saluera les prestations d’Anja Zügner et de Tobias Hunger aux timbres équilibrés et justes, qui restituent avec grâce la partition dans ses moments culminants lors du « Qui Tollis » et dans le Crucifixus. Les voix sont présentes et agiles, extraverties sans trop se mettre en avant, capables de virtuosité dans les mélismes et de recueillement dans les sections plus apaisées. Enfin, on ne saurait passer sous silence la direction colorée du Kapellmeister Jung qui insuffle tout le long de l’enregistrement l’énergie et la solennité du sacré, guidant les œuvres de bout en bout avec cohésion, appuyant sur les contrastes et se délectant de l’optimisme bondissant et italien des passages vifs à la tête d’une Batzdorfer Hofkapelle aux cordes bien senties mais où plus de diversité dans les couleurs orchestrales serait la bienvenue.
Pour reprendre en guise de corollaire Sacha Guitry, il est bien triste d’oublier les bienfaits de tant d’artistes, mais bien doux d’entendre les splendeurs qui resurgissent du silence des temps.
Pedro-Octavio Diaz
Technique : bonne prise de son précise.
Étiquettes : CPO, Muse : argent, musique religieuse, Pedro-Octavio Diaz Dernière modification: 11 juillet 2014