Antonio VIVALDI (1678-1741)
Concerti per violoncello vol. 2 (RV 411, 401, 408, 417, 399, 403, 422)
Christophe Coin (violoncelle Alessandro Gagliano c. 1720)
Il Giardino Armonico, dir. Giovanni Antonini, Enrico Onofri concertmeister
60’38, Naïve, 2008
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Que dire de ces concertos pour violoncelle de Vivaldi, sinon qu’ils méritent amplement leur renommée ? Car voici le Prêtre Roux au sommet de son humanité et de son art, élégiaque et lyrique comme jamais dans ses Largo, fougueux dans ses Allegro, toujours à l’affut d’une mélodie aux contours amples et naturels. Et Christophe Coin revient sur ses œuvres qu’il a pour certaines enregistrées autrefois avec l’Academy of Ancient Music de Christopher Hogwood (Decca). Avec les ans, la lecture se fait moins lisse et lumineuse, plus contrastée, plus troublante.
Il règne en effet sur ces concertos une inventivité surprenante, une insécurité permanente, une hésitation de chaque instant. Comme si l’archet se laisse aller à vau-l’eau, découvre au fur et à mesure ce que la page suivante recèle, se décide à tenter l’expérience d’une lecture personnelle, quitte à distancer un orchestre déboussolé par tant d’audace et de liberté. L’Allegro non molto du Concerto en do mineur RV 401 se perd dans les méandres de sa réflexion, les arpèges virtuoses déclamés en passant, le discours large et impérieux. Il faut toute la persuasion et la précision d’Il Giardino Armonico pour rappeler le violoncelliste à l’ordre devant une lecture éminemment individuelle où l’on imagine Christophe Coin détaché du monde, les yeux mi-clos, tout entier abandonné à son instrument.
Il Giardino Armonico, attentionné et étonnamment discret, se révèle loin de ses pyrotechnies habituelles. Les crescendos demeurent fougueux (très beaux effets dans l’Allegro du RV 417 bondissant et rude) mais les cordes s’avèrent beaucoup plus homogènes, sans déferlements grinçants, projections spectaculaires ou changements impétueux de tempos. Comme si face à la rêverie initiatique de Christophe Coin, Il Giardino Armonico voulait représenter l’ordre, la dignité, le lion de la Place Saint-Marc. Giovanni Antonini a t-il dû se faire violence pour diriger sa phalange avec cet équilibre doux qu’on ne lui connaissait guère ? Ou est-ce l’échange attendri avec Christophe Coin, cette sorte d’abandon et d’immédiateté, de confidence sans remise en cause possible, qui l’a conduit à un jeu plus moelleux qu’à l’ordinaire ? Car le violoncelliste a projeté son archet dans les étoiles : onctueux et léger dans l’Andante du concerto en sol mineur RV 417 au motif entêtant, espiègle et un rien frimeur dans l’Allegro du RV 399, réjoui et replet dans l’Allegro molto démonstratif du concerto en fa majeur RV 411 d’une virtuosité toute vivaldienne. Et derrière cette diversité de climats et d’affects, pointe en permanence une sorte de confiance radieuse, intense, communicative. Si communicative que l’on ne saurait manquer ce rendez-vous d’un rayon doré du soleil de fin d’après-midi avec un mur décrépi de la sérénissime lagune.
Alexandre Barrère
Technique : prise de son spatialisée, très dynamique, avec l’orchestre particulièrement présent.
Étiquettes : Il Giardino Armonico, Muse : or, musique pour orchestre, Naïve, Vivaldi Dernière modification: 25 novembre 2020