1721. Un monument de vitalité, de couleur, d’optimisme, de truculence. Et pourtant ces Concertos Brandebourgeois n’ont jamais été très brandebourgeois, puisqu’il furent simplement rassemblés pour une dédicace, sans cohérence programmatique ou cyclique, en une sorte de lettre de motivation ou de ce qu’on appellerait aujourd’hui « networking », empaquetée galamment à Cristian-Ludwig, Electeur de Brandebourg, frère cadet de Frédéric Ier, roi de Prusse, nettement moins porté sur la chose musicale. Le musicologue Philipp Spitta, biographe de Bach (1873), les baptisa ainsi, suivant la tradition germanique de se référer au dédicataire, avec la fortune de la formule que l’on sait.
Le Margrave de Brandebourg avait rassemblé un orchestre berlinois fameux, et ce bouquet de compositions des temps heureux à la cour de Köthen trouvait là des interprètes suffisamment virtuoses pour lui faire honneur. Hélas en 1723, divers facteurs politique, économiques et familiaux conduisirent à un environnement moins favorable dans la Principauté et Bach dut quitter à regret ce prince éclairé et fervent musicien désormais marié. Il écrira en 1730, dans une lettre à son ami Erdmann que c’est à Köthen qu’il aurait souhaité finir ses jours… On trouvera ci-dessous l’épître dédicatoire, de la main même du compositeur, dans sa graphie d’époque. [M.B.]
Étiquettes : Concertos Brandebourgeois, Jean-Sébastien Bach Dernière modification: 1 décembre 2023Six Concerts
Avec plusieurs Instruments
Dédiées
A Son Altesse Royalle
Monseigneur
Crétien Louis
Marggraf de Brandenbourg &c. &c. &c.
par son très humble et très obéissant Serviteur
Jean-Sébastien Bach,
Maître de chapelle de S.A.S. le
Prince régnant d’Anthalt-Coethen
Monseigneur.
Comme j’eus il y a une couple d’années, le bonheur de me faire entendre à Votre Altesse Royalle, en vertu de ses ordres, & que je remarquai alors, qu’Elle prennoit quelque plaisir aux petits talents que le Ciel m’a donnés pour la Musique, & qu’en prennant Congé de Votre Altesse Royalle, Elle voulut bien me faire l’honneur de me commander de Lui envoyer quelques pieces de ma Composition : j’ai donc selon ses tres gracieux ordres, pris la liberté de rendre mes tres-humbles devoirs à Votre Altesse Royalle, par les presents Concerts, que j’ai accommodés à plusieurs Instruments, La priant tres-humblement de ne vouloir pas juger leur imperfection, à la rigueur du gout fin et delicat, que tout le monde sçait qu’Elle a pour les piéces musicales, mais de tirer plutot en benigne Consideration, le profond respect, & la tres-humble obeissance que je tache à Lui temoigner par là. Pour le reste, Monseigneur, je supplie tres humblement Votre Altesse Royalle, d’avoir la bonté de continüer ses bonnes graces envers moi, et d’être persuadée que je n’ai rien tant à coeur, que de pouvoir être employé en des occasions plus dignes d’Elle et de son service, moi qui suis avec un zele sans pareil
Monseigneur
De Votre Altesse Royalle
Le tres humble & tres obeissant Serviteur
Jean Sebastien Bach
Coethen. d. 24 Mar
1721