Andreas ROMBERG (1767 -1821)
Concerto n°4 en do majeur (1786)
Concerto n°12 en sol mineur (1795)
Concerto n°9 en la majeur
Chouchane Siranossian, violon
Capriccio Barockorchester
Dirigé depuis le premier violon : Dominik Kiefer
C’est indéniablement une surprise. Et une excellente surprise. A la manière d’un Van Meegeren produisant de faux Vermeer, on reste un brin stupéfait devant cette élégance mélodique que l’on pensait inimitable, cette ligne souriante et souple, cette classe viennoise, ces entrelacs lyriques inventifs, virtuoses, parfois dansants, toujours racés. Du Mozart bien sûr. Certainement. Indubitablement. Cela saute aux yeux chère Madame, cela chatouille les oreilles, réveille le palais, vous reprendrez bien un verre de vin de champagne ? Et patatras. On découvre avec stupéfaction qu’il s’agit là du Concerto pour violon n°4 d’Andreas Romberg (1767-1821), parmi les vingt qu’il composa entre 1784 et 1812, dont seules quatre furent publiés. Heureusement que la Bibliothèque de Hambourg détient les seize autres dans leur version manuscrite, de la main même du compositeur.
Pour penser à rebrousse-poil, avouons que nombre d’orchestres sur instruments d’époque, souvent spécialisés sur la période précédente, se cassent les archets sur Mozart, Haydn et la période strictement classique. Nous en reparlerons tantôt pour l’aventureuse odyssée d’Il Giardino Armonico chez Haydn (Alpha aussi). Parce que la cure d’amaigrissement des orchestres, les excès d’ornementations ou de timbres, le déséquilibre des cuivres ou la nostalgie de l’instrument obligé, ou enfin la volonté d’articulations plus contrastées aboutissent souvent à gommer la prééminence mélodique et l’expressivité élégiaque de ce répertoire solaire et qu’en outre les monstres vocaux de la stature d’une Margaret Price, d’une Leyla Gencer, d’une Kiri Te Kanawa, d’une Frederica Von Stade ou Tatiana Troyanos…
Rien de tout cela ici, et le Capriccio Barockorchester bâlois parvient malgré la timidité de ses effectifs à renouer avec le velouté de grands philarmoniques, la transparence en sus. Il faut dire que le superbe violon de Chouchane Siranossian emporte tout sur son passage, on y retrouverait presque l’évidence nuancée et sensible de la jeune Anne-Sophie Mutter, subtilement moirée, sans affèterie, d’une superbe classe.
Les 3 concerti ne sont pas de la même veine, et si nous louons sans réserve le n°4 en do majeur, celui en la majeur n°9, bien qu’encore très mozartien, s’autorise des effets très colorés dans son Allegro introductif, mais n’évite pas une certaine surcharge brutale roborative dans ses motifs carrés. On y admirera tout de même le large Adagio, posé et presque grave, et où la soliste sait à merveille distiller l’art de la confidence, l’archet est léger, le propos sensible et parfois grave, d’une éloquence sinueuse. Enfin, le dernier concerto, plus tardif, à la fois en termes de style et de date de composition, s’ouvre sur un ébouriffant Allegro très mûr et avec des effets fugués complexes. Est-ce ces glissandi moelleux trop alanguis, l’abandon trop romantique ? Les temps ont changé, et l’Adagio cantabile sent désormais son XIXème, et le jeu de Chouchane Siranossian s’en fait l’écho brillant, même si l’on préfèrera à cette sautillante Polonaise d’une belle liberté formelle un peu vaine et aux interventions orchestrales pataudes les accents mozartiens de jeunesse de Romberg.
Voilà assurément une pépite à découvrir. On mentionnera en passant qu’il est tout de même dommage que le violon utilisé par Chouchane Siranossian ne soit pas précisé, puisque l’artiste dispose de deux beaux instruments (un Joseph & Antoine Gagliano et un Domenico Montegnana).
Viet-Linh Nguyen
Technique : captation très transparente, quasiment pas de réverbération, bien équilibrée entre la soliste et l’orchestre.
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