Rédigé par 7 h 54 min Littérature & Beaux-arts, Regards

Lully, le chat du Roi-Soleil (Hervé Mestron, ed. Oskar)

Il s’avère que le chat de la maisonnée s’enfuit à la recherche de son passé et se découvre la réincarnation de Jean-Baptiste Lully. Totalement déboussolé, notre félin dès lors compose, danse, écrit des opéras, fabrique des décors, et ronronne pour faire sa cour au Roi.

“Lully ? répète-t-il, en observant le chat qui sautille au rythme de la musique. Harmonie entre ornement des pattes supérieures et mouvement des pattes inférieures, la danse n’exclut pas les sauts pourvu qu’ils soient faits avec élégance !”

Au départ, on décroche son téléphone pour appeler l’avocat de l’Association des Amis du Surintendant devant une telle vilenie. Oser traiter Lully de “Chat de Louis XIV”, et imaginer le solaire monarque lui jeter de la pâté et lui faire sa litière ! Impensable. Pour moins que cela, on a embastillé, roué, écartelé. Même toute l’aigreur de Saint-Simon et le fiel de la Palatine n’auraient osé le publier, jaune sur blanc en format in-12 broché, orné d’une illustration erronée où un violon non baroque et sa mentonnière montrent un Lully-chat-chat en galante compagnie avec une mineure en pull rose, lui qui préférait trousser les Pages de la Chapelle, ce qui finit par lui valoir sa disgrâce (cf. la scabreuse Affaire Brunet). L’on se dit qu’en notre période vertueuse et bien-pensante, notre Florentin aux mœurs italiennes va finir à l’index, et ses statues déboulonnées (nous ne visons pas certaines interprétations musicales détestables de tragédies lyriques qui parviennent à la même fin).

Et puis, par curiosité malsaine, un soir de pleine lune, on feuillète l’opuscule maudit. Et… surprise, l’auteur ne prétend pas que Lully était le chat de Louis XIV, mais qu’il s’avère que le chat de la maisonnée s’enfuit à la recherche de son passé et se découvre la réincarnation de Jean-Baptiste Lully (d’après le vétérinaire). Totalement déboussolé, notre félin dès lors compose, danse, écrit des opéras, fabrique des décors, ronronne pour faire sa cour au Roi, voyage dans le temps. Le père de famille en profite pour coincer sa fille et lui raconter doctement la biographie du Surintendant à Versailles, dans un résumé toutefois plus distrayant que le De la Gorce (Fayard).

Vous l’aurez compris, cet ouvrage est un piège éducatif, et loin d’être diffamatoire à l’égard de notre Héros, camoufle son éloge sous une invraisemblable histoire de réincarnation tout aussi loufoque qu’un livret d’opéra vénitien. C’est alors que nous devinons la supercherie que l’identité de l’auteur nous interpelle : Hervé Mestron, altiste, diplômé du CNSM de Lyon, a été membre de l’Orchestre baroque de Limoges et de la Grande Écurie et la Chambre du Roy et c’est le mari de Florence Malgoire ! CQFD.

Un pamphlet finalement très recommandable et éducatif.

V.L.N.

Étiquettes : Dernière modification: 29 septembre 2021
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