Rédigé par 14 h 27 min Vagabondages, Voyages

Génie du lieu : la maison natale de Palestrina

Portrait de Giovanni Pierluigi da Palestrina, reproduction d’une lithographie (vers 1877) – Source : Gallica / BnF

1525…2025 ! Nous commémorons cette année le demi millénaire de la naissance de Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594), du moins si l’on se réfère à l’année de naissance communément admise, certaines voix avançant plutôt 1526. Un doute qui provient des archives à disposition, la première mention du petit Giovanni datant de 1527, année où sa grand-mère décède et où ses biens sont répartis entre ses quatre enfants, dont Francesco, père de Giovanni. A cette occasion, la famille adopte définitivement le nom de l’époux de cette aïeule, Pierluigi.

Giovanni Pierluigi très tôt dans son apprentissage et sa carrière romaine reçu comme une épiclèse la mention Da Palestrina, au point d’être de nos jours plus connu sous ce seul vocable que par son nom et prénom de baptême. Et puisqu’il n’est pas si courant que la renommée d’un compositeur occulte celle de la ville sont il porte le nom, nous avons décidé de passer à Palestrina, à l’occasion d’un petit séjour dans la région.

Casa natale de Giovanni Pierluigi da Palestrina © Musebaroque, mai 2025. La plaque sobrement gravée Giovanni Pierluigi est visible sur la façade.

S’il y a foule à Rome, nous ne saurions trop conseiller aux plus voyageurs de nos lecteurs de faire quelques pas de côté dans la campagne romaine, et justement à Palestrina, située à quelques trente-cinq kilomètres de la Piazza di Spagna. Tout d’abord constater que le souvenir du compositeur est bien prégnant à Palestrina, ce dernier étant honoré d’une statue devant le Palazzo Communale (Via Roma), et voir aussi que la maison familiale, très clairement identifiée abrite le siège de la Fondation Giovanni Pierluigi da Palestrina, accessible par le bien nommé Vicolo Pierluigi. L’occasion d’une intéressante visite et d’un parcours où sont présentés, outre quelques éléments de mobilier, les étapes de la carrière musicale du compositeur, expliqués ses principes de composition et où quelques intéressants portraits (originaux ou reproductions) sont également visibles. Le second étage de la maison abrite une bibliothèque musicologique et culturelle consacrée à la Renaissance.

Giovanni Pierluigi da Palestrina ne fit pas que naître à Palestrina, il y passa les premières années de sa vie, vraisemblablement la première décennie, avant que les archives ne l’attestent comme membre puer cantor de la Basilique Sainte-Marie Majeure de Rome.  Un premier apprentissage romain qui n’est pas synonyme d’un départ sans retour, Palestrina revenant dans sa ville natale à compter de 1544, le 25 octobre plus précisément, date à la laquelle il est nommé organiste de la cathédrale Saint-Agapit, principal lieu de culte de la ville. Une cathédrale à admirer un peu plus loin en suivant le corso juste en dessous de la maison natale de Palestrina, surtout pour sa façade romane. L’intérieur, largement repris aux XVIIIème et XIXème siècles, d’un baroque trop tempéré dans sa luxuriance pour réellement émouvoir, peine à rivaliser avec les splendeurs de Rome dans le domaine et n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’a connu le compositeur.

Des fonctions d’organiste que Giovanni Pierluigi occupera jusqu’en 1551 et sa nomination à la direction du chœur de la Cappella Giulia de la Basilique Saint-Pierre de Rome, à la faveur de l’élection à la tiare pontificale de Jules III, Giovanni Maria del Monte de son nom de baptême et avant cette fonction suprême évêque de Palestrina. Giovanni Pierluigi aura entre temps épousé une Prénestine, Lucrezia, en 1547.

Palais Barberini, XVIème siècle. Partie supérieure du sanctuaire antique, servant de fondation au palais. Le haut des escaliers est constitué par une partie du théâtre romain. Photo prise de l’une des cinq terrasses antiques structurant la colline – Source : Wikimedia Commons

Et si nous mentionnons le gentilé de Prénestine (prenestini en italien) et non Palestrinèse (palestrinesi, qui est aussi accepté), c’est bien pour souligner à nos éventuels voyageurs l’autre intérêt de cette cité du Latium. Palestrina, connue dans l’antiquité sous le nom de Préneste et qui perdit sa souveraineté suite à ses défaites contre Rome en 354 et 338 avant notre ère, se vit doter à la fin du IIème siècle avant Jésus-Christ de l’imposant sanctuaire de la Fortuna Primigenia vaste ensemble tout en terrasses construites à flan de collines dont les vestiges, de nos jours encore imposants, sont à rechercher dans les soubassements du Palazzo Colonna Barberini (XVIème siècle, et où se trouve la fameuse Mosaïque du Nil) et dans les ruelles en contrebas de l’édifice. Des vestiges sur lesquels prennent appui une bonne partie des maisons du centre-ville, y compris la maison natale de Giovanni Pierluigi et qui influencèrent notamment Andrea Palladio (1508-1580)  qui fit de nombreux séjours dans la région entre 1541 et 1549, sans qu’à notre connaissance il ne soit gardé la preuve d’un contact possible entre les deux hommes.

Giovanni Pierluigi écrivit l’essentiel de ses compositions à Rome, après son départ de Palestrina, et fut l’objet d’une redécouverte et d’une mise en exergue au XIXème siècle, notamment par Victor Hugo. Il est à ce titre intéressant de constater que malgré sa grande érudition Giuseppe Robello dans son classique Curiosités de Rome et des Environs (Maison, 1854) ne prend même pas la peine de mentionner la ville comme étant celle de naissance du compositeur.

Reste que ceux qui s’autoriseront ce détour, non loin de la Villa d’Hadrien, y trouveront matière à savourer la mémoire du lieu, en attendant un jour la parution d’une biographie musicale de haut niveau comparable à celle parue chez Musique en Wallonie pour Roland de Lassus…

 

                                                                       Pierre-Damien HOUVILLE

Étiquettes : , , Dernière modification: 2 septembre 2025
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