Joseph CHABANCEAU DE LA BARRE (1633-1678)
Airs de Cour
Henri Ledroit (haute-contre), Matthias Spaeter (luth/ théorbe)
Solstice, enr. 1984.
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Henri Ledroit signe ici l’un de ses meilleurs enregistrements, digne de son récital Luigi Rossi chez le même éditeur. Au premier abord, l’irruption de ce contre-ténor aux pays des lys est musicologiquement très discutable, puisque l’on sait que les Français étaient partisans des « voix naturelles ». Toutefois, si Henri Ledroit utilise beaucoup sa voix de tête, il n’en oublie pas pour autant sa voix de poitrine, et l’appellation haute-contre de la jaquette n’est donc pas entièrement usurpée.
Ce point technique éliminé, l’occasion est trop belle de découvrir 14 des 18 airs contenus dans le recueil d’ « Airs à deux parties avec les seconds couplets en diminutions » publié chez l’inévitable Ballard en 1669. Chabanceau de la Barre n’a pas la plume aussi savante que Michel Lambert ou Sébastien Le Camus et ses airs de cour demeurent très directs voire dépouillés, en dépit des ornements : on croirait parfois entendre du Blow, Campion voire Purcell, avec cette languissante mélancolie si poétique. Henri Ledroit s’y montre d’une touchante fragilité, sans cesse sur le fil du rasoir, entre soupirs et murmures. Certains s’offusqueront tout de même d’une technique très personnelle, d’un vibratello constant (un peu comme Paul Esswood), d’une ligne de chant floue. Mais ce chant d’une grande spontanéité – où les diminutions accusent parfois quelques approximations qu’on pardonnera aisément devant tant d’émotion et de grâce – possède un indéniable charme difficilement explicable. « L’aymable Iris », « Si c’est un bien que l’espérance », « Forest solitaires et sombres » frisent le sublime.
Ce magnifique enregistrement s’impose d’autant plus facilement que son seul concurrent est l’intégrale de Stephan Van Dyck accompagné de Stephen Stubb (Ricercar), qui souffre d’un français restitué irritant et d’une approche beaucoup plus superficielle et maniérée. En revanche, on déplorera la mise en page du livret – écrit en police 8 voire moins dans des caractères hérités des machines à écrire de la RDA – mais les très complètes notes sont rédigées par Philippe Beaussant, tandis que l’intégralité des textes est présente. Saluons donc l’intégrité artistique et le marketing déplorable de Solstice !
Viet-Linh Nguyen
Technique : AAD ? Une prise de son assez moyenne, un peu cotonneuse, et avec (très rarement) quelques effets de saturation.
Étiquettes : Ledroit Henri, Muse : argent, Musique vocale Dernière modification: 25 novembre 2020