Rédigé par 11 h 41 min CDs & DVDs, Critiques

Empfisamkeit

Empfisamkeit. Sensibilité. C’est le seul et unique mot qui vient à l’esprit à l’écoute de cet enregistrement galant et raffiné, d’un préclassicisme racé, terriblement évocateur d’un art de vie sautillant du boudoir à l’alcôve. Avouons-le, lors de la première écoute, nous avons été charmés par l’élégance mélodique, la fluidité lumineuse…

Johann Christian BACH (1735-1782)

“A Music Party”

[TG name=”Liste des morceaux”]

Quintette op.22 n°1 en ré majeur
Quintette op.22 n°2 en fa majeur
Quintette op.11 n°6 en ré majeur
Quintette op.11 n°1 en do majeur
Quintette op.11 n°3 en fa majeur
Sextuor en do majeur

[/TG]

Ensemble Amarillis :
Héloïse Gaillard, hautbois baroque
Amélie Michel, traverso
David Plantier, violon,
Fanny Paccoud, alto
Annabelle Luis, violoncelle
Violaine Cochard, clavecin

Lionel Renoud, Pierre-Yves Madeuf, cors naturels

75’46, AgOgique, 2011

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Empfisamkeit. Sensibilité. C’est le seul et unique mot qui vient à l’esprit à l’écoute de cet enregistrement galant et raffiné, d’un préclassicisme racé, terriblement évocateur d’un art de vie sautillant du boudoir à l’alcôve. Avouons-le, lors de la première écoute, nous avons été charmés par l’élégance mélodique, la fluidité lumineuse, tout en étant rebutés par un je-ne-sais-quoi d’alangui et de mièvre dans les Andantinos sensuels, une vacuité aristocratique digne d’un Valmont. La seconde écoute, un soir d’épuisement nerveux, révéla la beauté multicolore des timbres parfaitement rendus par une prise de son exemplaire (moment où l’on rappellera que la fondatrice d’AgOgique est à l’origine ingénieur du son), et surtout une sensibilité épanouie, que les phrasés amples et généreux d’Amarillis subliment. Qu’il s’agisse des 3 quintettes extraits de l’opus 11 daté de 1774 et dédiés au Prince-Electeur Palatin, de ceux un brin plus tardifs de l’opus 22 parus à titre posthume, ou enfin de l’opulent Sextuor en do majeur avec ses deux cors, on retrouve une insoucieuse joyeuse et bouillonnante, un kaléidoscope troublant d’humeurs changeantes que le mot Empfisamkeit – d’abord désignant un courant littéraire tourné vers le roman sentimental anglais – désigne à merveille. Reflets changeants, afflux instables de sentiments insaisissables, d’une légèreté presque coupable, badinage solaire et parfois presque impudique dans sa franchise, ces œuvres ne laissent guère indifférent par leur tendresse parfois affectée, de même que le dialogue constant entre les instruments.

 

                                   Vidéo de présentation du disque © AgOgique

[divide]Ecoutons le superbe Larghetto du Sextuor en do majeur avec le hautbois disert d’Héloïse Gaillard, d’un lyrisme nuancé. Savourons le Rondo conclusif dansant, virtuose et ryhtmiquement très marqué, d’où s’échappent les accords perlés de Violaine Cochard comme autant de ballerines souriantes dans l’ivresse du soir. Et s’il faut un petit préféré, ce sera sans nul doute, le Quintette n°6 opus 11 en ré majeur, qu’un certain Nikolaus Harnoncourt inclut dans son premier enregistrement pour Telefunken “Musik am Mannheimer Hof” aux côtés de Stamitz ou Richter. C’était en 1963, et le Concentus Musicus Wien encore hésitant mais déjà enthousiaste esquissait une lecture frêle et touchante qu’Amarillis brosse d’un fusain engagé et énergique… Il faut uniformément louer la grande cohésion de l’ensemble, le climat de courtoise égalité de ses membres, l’équilibre entre les timbres, et la difficulté d’obtenir une ligne mélodique d’une clarté qui frise l’évidence et la facilité alors que le compositeur s’ingénie à entretenir la surprise dans affects, variant les effets et les modes d’écritures de la sicilienne élégiaque à la rusticité populaire. On admire la rondeur soyeuse du traverso d’Amélie Michel, le violoncelle un brin nostalgique d’Annabelle Luis, l’on regrette que les cors cuivrés quoique doux de MM. Renoux et Madeuf se glissent discrètement dans le Sextuor et ne soient pas plus présents comme dans un bonne vielle aria da caccia haendélienne qui leur aurait permis de s’exprimer avec plus de chatoyance. Peut-être certains se lasseront-ils un brin de cet optimisme jubilatoire, qui manque chez son onzième fils de la gravitas de Bach le Père, de son contrepoint introspectif, de sa fervente rigueur, les autres, dont nous faisons partie, ne reprocheront à ce programme inspiré que son titre un peu facile, et l’absence de contrastes plus franchement exprimés.

Alexandre Barrère

Technique : belle prise de son équilibrée et naturelle

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 23 novembre 2020
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