Galimatias en rondeau
La Holland Baroque Society a choisi de bâtir chacun de ses projets artistiques en compagnie d’un directeur musical chaque fois différent. C’est au tour d’Alexis Kossenko, flûtiste et musicologue dont le répertoire s’étend de la Renaissance au XXéme siècle, de diriger la phalange hollandaise autour de ce programme dédié à l’un des caméléons de la musique baroque : Georg Philipp Telemann.
Ecce quod natura
Pour les mélomanes du XXIe siècle, le nom de Gilles Binchois se rattache avant tout à des chansons d’amour courtois, dont une quarantaine a traversé les siècles jusqu’au nôtre. Issu d’un milieu bourgeois, Gilles de Binche aurait dans sa jeunesse porté les armes avant de se consacrer à la vie religieuse.
"When Laura smiles…"
Faire des tubes de John Dowland un disque — que tout jeune étudiant en élisabethainisme a déjà croisé au moins une fois dans sa vie pour la plupart, constitue un pari osé et dangereux. Mais ce n’est pas un crime. Surtout quand ce qui nous est donné à entendre n’est pas mauvais, pour user d’une litote, comme c’est ici le cas.
“Mais ce qui reste est l’œuvre des poètes” (F. Hölderlin, Souvenir)
Une parenthèse pour commencer, celle qui nous pousse à louer ces jaquettes traditionnelles ornées de toiles de maîtres, où de caractères typographiques avec d’élégants empattements énoncent le programme. Certes, le docte et élitiste concerti, quadro, sonate con basso di viola solista cède la place au plus resserré Viola di gamba qui claque comme une promesse exotique…
Desmazures digne d’un palais
Voici un enregistrement qui remplira d’aise les amateurs de musique du Grand Siècle. Comme l’explique avec une érudition fluide Josep Dolcet dans les notes accompagnatrices, la présence de Philippe V sur le trône de Madrid n’entraîna pas l’importation et la vogue du style français dans la Péninsule, du fait notamment des goûts personnels du monarque.
“J’aimerais mieux avoir peint la chapelle Sixtine que gagné bien des batailles même celle de Marengo ” (Gustave Flaubert)
Et bien la voici cette Chapelle Sixtine colorée, avec ses corps virils et musclés, son mouvement, l’effroi de son Jugement dernier, ses corps contorsionnés en apesanteur ! Nos confrères semblent unanimes, et comme un chevalier banneret à l’appel de son suzerain, nous nous alignerons avec eux cette fois-ci en bataille…
“Armide enfin lève les yeux…”
Il est intéressant parfois, quand on aime le répertoire baroque, de s’arrêter un peu sur le merveilleux et la magie dans cet art qui nous passionne. Si la présence des scènes de démons, des destructions massives de cités entières, les tempêtes et la magie sont des poncifs de l’opéra de l’âge moderne, le personnage de l’enchanteresse plus que sorcière est essentiel au monde musical baroque.
“Personne, me semble-t-il, / N’accorde de valeur à aucun don de Nature, / Pour valable qu’il soit, / S’il ne se trouve coloré / Par l’obscure et ténébreuse clarté de Fortune”
La première messe écrite par un seul homme ! Pensez-donc si c’est une date. Dans l’histoire des productions humaines, les moments où l’artisanat succède victorieusement à l’industrie ne sont pas si courants… Alors redisons-le : bien avant la Messe en si, de qui vous savez, et le Requiem, de qui vous voulez, il y eut cette Messe de Notre-Dame, de Guillaume de Machaut.
Danse thérapeutique
Chaque année Alpha réédite un CD phare accompagnant son catalogue qui devient de plus en plus époustouflant tant il allie audace et beautés visuelle et auditive. Le choix de cette année met en pleine lumière un enregistrement de 2001 (déjà !) qui est devenu culte et qu’il fait bon de réécouter.
“Le déguster comme un bon vin”
Après sa dernière escapade mystique en terre orientale (Laudes, Zig Zag Territoires), Doulce Mémoire renoue par cet enregistrement avec la musique à danser du XVIème siècle qui a marqué ses débuts. Période florissante et généreuse, la Renaissance a permis aux différents divertissements de prendre un essor considérable.
Menus plaisirs
Ce disque rassemble deux types de pièces : d’un côté des parodies spirituelles et de l‘autre des chansons anticléricales sur des airs connus du XVIIIe siècle qu’on appelle vaudevilles — s’y ajoutent encore quelques pièces instrumentales…
MDCLXX
Rome, en 1670, sort d’une longue période pendant laquelle, sous l’impulsion de papes tels qu’Urbain VIII, Innocent X ou Alexandre VII, a émergé un florissant décor baroque. Eglises et basiliques, places monumentales et fontaines, palais et villas, oratoires et colonnes votives, tout n’est plus que mouvements et chantournements, baldaquins torses et encorbellements, frontons festonnés et tympans ornés de mille fioritures.
Sauce piquante : “Convidando está la noche aquí de musicas varias.” (Sor Juana Ines de la Cruz)
La découverte de la musique baroque des Amériques n’est plus à faire, des ensembles tels que Elyma de Gabriel Garrido, Le Concert des Nations de Jordi Savall ou L’Arpeggiata de Christina Pluhar se sont chargés de débusquer et de ramener des lointaines jungles, missions et villes ensoleillés ces petits bijoux ciselés dans les forges syncrétiques du Nouveau Monde.
Une mezzo au royaume du baroque français au XVIIIème siècle
Quel plus improbable équipage pour explorer le répertoire français du XVIIIème siècle qu’un chef anglais (certes, assurément le plus français de tous !) et une mezzo suédoise formée à Londres ? Car la tragédie lyrique française exige à peu près la même maîtrise de la diction de la langue que le théâtre de Racine ou de Corneille.
“La langue noble est moins favorable à la musique”
Nombreuses sont les critiques qui ont fusé contre Alexandre Pitra, le librettiste adaptateur de cette Andromaque, tout comme autant de reproches d’inexactitude et d’imprécations contre ce que qualifiera le sulfureux comte Grimm d’ hérésie du goût.
“Pour vos beaux yeux, Iris, mon amour est extrême”
L’onde est sombre et frémissante, sensible à chaque souffle, chaque vaguelette, chaque inflexion, déroulant La Pompe funèbre avec une ampleur douloureuse qui contraste avec la vive Fuguette innocente et souriante qui la précède. Et derrière cette description les lecteurs avertis auront d’ors et déjà reconnu les mouvements de la 2nde suite de violes de Couperin…
"The pow’r of harmony too well they know" (John Dryden, An Ode on the Death of Mr. Purcell)
Il y a de la joie et de la frustration dans le métier de critique. De la joie, quand on a le privilège de faire partager ses découvertes, de transcrire les émotions par des mots, de puiser dans ses connaissances pour justifier et défendre ses choix, à la manière d’un avocat.
Puisque le ciel le veut ainsi
Après s’être penché sur la musique d’inspiration pastorale du XVIIIe siècle dans À l’ombre d’un ormeau (Alpha 115) et Le Berger poète (Alpha 148), Les Musiciens de Saint-Julien remontent encore le temps et nous plongent cette fois dans l’ambiance du début du baroque français, au tournant du XVIIe siècle.
Jerusalem, convertere ad Dominum Dem tuum
Second volet du triptyque que les Passions consacrent à Jean Gilles, avant le futur Te Deum et après le Requiem que nous avions pu goûter chez le même éditeur, les Trois Lamentations pour le Mercredi, Jeudi et Vendredi saint du compositeur datent vraisemblablement de sa période aixoise, et l’on ne reviendra pas sur l’écriture dans le style du grand motet que Jean-Marc Andrieu a décrit mieux que nous ne ferions…
