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mise à jour 20 janvier 2014
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Editorial de Janvier-Mars 2011 - Découvrez aussi la Muse du mois !
L'Opéra au cinoche ?
Haendel, Giulio Cesare, mise en scène Laurent Pelly © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris, 2010.
Tout comme le Palais alexandrin assiégé par les troupes de Ptolémée, les guichets de l’Opéra Garnier n’ont pas résisté au déferlement du public. Il ne reste plus rien des légions triomphantes balayées par le souffle du vent alors que s’élève une âcre odeur d’incendie au-dessus de l’Opéra Garnier. Et, afin de n’être pas reconnu, nous abandonnons notre manteau écarlate de général dans les flots, en conservant précieusement notre sésame vers l’ovale doré. Toutefois, une lueur d’espoir naît pour les délaissés, puisque pour la première fois l’Opéra Garnier a accepté une diffusion en direct au cinéma de la représentation de ce Giulio Cesare tant désiré. Celle-ci aura lieu le 7 février, dans 7 cinémas de Paris et de la région parisienne, et 8 salles de province. Que faut-il penser de cette initiative, fructueuse, puisque les salles parisiennes affichent complet ? Notre sentiment, personnel, demeure mitigé, incertain, oscillant entre le réflexe de saluer une démocratisation de l’opéra, et celui plus réticent d’entériner avec visibilité une fracture sociale déjà très présente dans l’accès aux salles d’opéras en France. Saluons donc la démocratisation de l’opéra tout d’abord, et même plus généralement, un accès aisé hors du public parisiano-centré ou ayant les moyens de s’offrir un séjour musical dans la capitale .Il peut également constituer un ersatz frustrant pour ceux qui n’ont pu se procurer de places "réelles". Et bien que le 7ème art ne ne puisse jamais remplacer la présence physique du spectacle vivant, les ors et les stucs du Second Empire, un public provincial, ou de banlieue, osera peut-être tenter l’expérience de ces 3 heures en compagnie d’une Cléopâtre tour à tour enfantine, malicieuse ou désespérée. Ajoutons que ce public, parfois moins habitué aux us et coutumes du monde de l’opéra baroque, osera peut-être dès lors se jeter dans le Nil, d’autant plus que les jeunes bénéficient d’un tarif préférentiel à 10 euros. Pourtant, une ombre de malaise flotte sur le royaume. Celui d’un monde à deux vitesses, encore plus cloisonné, où une partie de la population aurait son sauf-conduit vers le parterre, les loges, les baignoires voire le "poulailler", tandis qu’une autre se contenterait, pour une somme pas si modique d’ailleurs (28 euros), non pas de découvrir, mais d’assister à l’opéra gentiment assise devant un écran en boulottant du pop-corn. On objectera, fort justement, qu’il existe déjà des retransmissions télévisuelles, de même qu’un marché de plus en plus abondant de DVDs (mais le plaisir est alors solitaire et s’inscrit dans un cadre familial), que la suite du programme des cinémas UGC "Viva l’Opera !" retransmettra des représentations depuis Salzbourg, Bregenz, Orange ou encore Barcelone. Qu’importe, la pente est savonneuse, le dallage glissant, la chute aisée. Le succès de "Viva l’Opera !" incitera t-il les salles à établir ou renforcer une politique d’accès des jeunes et des classes défavorisées aux codes de l’opéra (à la fois de la compréhension des œuvres mais aussi des temples dans lesquels elles sont montées), au plaisir que l’on peut ressentir à son écoute ? Au contraire, la pérennisation ou la multiplication des retransmissions cinématographiques ou télévisuelles provoquera t-elle une scission dommageable entre les patriciens se retrouvant au bar à l’entracte et la plèbe envoyant ses SMS dans le noir ? Seul l’avenir nous le dira, mais, tel un voyageur dans la Vallée des Rois, nous pensons que certaines portes doivent parfois rester closes.
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