Appel du 18 juin
(publié en avance grâce à la modernité de
notre cybernétique support plus évanescent que les 9 étages de l’asymétrique
Broadcasting House en pierre de Portland sise entre Oxford
Street et Regents park siège de la BBC)
Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des orchestres
français, ont formé un gouvernement musical. Ce gouvernement, alléguant la
défaite de notre répertoire baroque, s’est mis en rapport avec Richard
Wagner et le Met’ pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique,
violonistique et percussive de l’ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les hautbois modernes, les cordes
en aluminium, les flûtes de métal, les trompettes à pistons, le piano, les
vibraphones, la tactique des Karajan qui nous font reculer. Ce sont les
pistons, l’aluminium, la tactique des Böhm qui ont surpris nos chefs au
point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La
défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien
n’est perdu pour la musique baroque. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus
peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la musique baroque française n’est pas
seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire
derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Angleterre élisabéthaine qui
tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser
sans limites l’immense inventivité de l’Italie vivaldienne, le contrepoint
acéré des États allemands.
Cette guerre musicale n’est pas limitée au
territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la
bataille de Ramillies (1706). Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes
les fautes, tous les retards, tous les trilles savonnés, n’empêchent pas
qu’il y a, dans l’Univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour
nos ennemis romantiques. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous
pourrons vaincre dans l’avenir par une poésie évocatrice supérieure. Le
destin du monde baroque est là.
Moi, Muse Baroque, actuellement au Parnasse,
j’invite les chefs et les artistes français qui se trouvent en territoire
olympien ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs instruments ou sans
leurs métronomes, j’invite les solistes et les choristes spécialistes de
Lassus qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y
trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance baroque ne doit pas s’éteindre
et ne s’éteindra pas.
Demain, comme aujourd’hui, j’écrirai sur Muse Baroque.