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6 janvier 2014

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Marin Marais :

portrait par Evrard Titon du Tillet dans ses Vies des Musiciens et autres Joueurs d'Instruments du règne de Louis le Grand (1732, aug. 1743, 1755)

Gérard Depardieu en Marin Marais face à son maître Monsieur de Sainte Colombe (Jean-Pierre Marielle) dans le film Tous les Matins du Monde d'Alain Corneau. D.R.
 

L'œuvre d'Evrard Titon du Tillet est tout à fait essentielle à l'étude biographique des grands compositeurs de la fin du XVIIème siècle. Sous forme de courtes notices, parfois mentionnant de savoureuses anecdotes, l'auteur retrace brièvement la carrière et les œuvres des ces derniers, y compris celles qui ne nous sont pas parvenues. Le texte est ici reproduit dans son intégralité, l'orthographe de l'époque a été respectée.

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MARIN MARAIS

Parisien, né le 31 Mai 1656. Ordinaire de la Musique de la Chambre du Roi pour la Viole. Meurt à Paris Faubourg Saint Marceau le 15 Août 1728 dans sa 73ème année, inhumé à Saint Hyppolyte sa Paroisse.

 

On peut dire que Marais a porté la Viole à son plus haut degré de perfection, et qu’il est le premier qui en a fait connoître toute l’étendue et toute la beauté par le grand nombre d’excellentes Pièces qu’il a composées sur cet Instrument, et par la manière admirable dont il les exécutoit.


Il est vrai qu’avant Marais Sainte Colombe faisoit quelque bruit pour la Viole ; il donnoit même des concerts chez lui, où deux de ses filles jouoient, l’une du dessus de Viole, et l’autre de la Basse, et formaient avec leur père un concert à trois violes, qu’on entendait avec plaisir, quoiqu’il ne fût composé que de symphonies ordinaires et d’une harmonie peu fournie d’accords.


Sainte Colombe fut même le maître de Marais ; mais s’étant aperçu au bout de dix mois que son Elève pouvoit le surpasser, il lui dit qu’il n’avoit plus rien à lui montrer. Marais qui aimoit passionnément la viole, voulut cependant profiter encore du savoir de son Maître pour se perfectionner dans cet Instrument ; et comme il avoit quelque accès dans sa maison, il prenoit le temps en été que Sainte Colombe étoit dans son jardin enfermé dans un petit cabinet de planches, qu’il avoit pratiqué sur les branches d’un Mûrier, afin d’y jouer plus tranquillement et plus délicieusement de la Viole. Marais se glissoit sous ce cabinet ; il y entendoit son maître, et profitoit de quelques passages et de quelques coups d’archets particuliers que les Maîtres de l’Art aiment à se conserver ; mais cela ne dura pas longtemps, Sainte Colombe s’en étant aperçu et s’étant mis sur ses gardes pour n’être plus entendu par son Elève : cependant il lui rendoit toujours justice sur le progrès étonnant qu’il avoit fait sur la Viole ; et étant un jour dans une compagnie où Marais jouait de la Viole, ayant été interrogé par des personnes de distinction sur ce qu’il pensoit de sa manière de jouer, il leur répondit qu’il y avoit des Elèves qui pouvoient surpasser leurs maîtres, mais que le jeune Marais n’en trouverait jamais qui le surpassât. Pour rendre la Viole plus sonore, Marais est le premier qui ait imaginé de faire filer en laiton les trois dernières cordes des Basses.

Marais s'attacha à Lully qui l'estimoit beaucoup, et qui se servoit souvent de lui pour battre la mesure dans l'exécution de ses Opéra et ses autres ouvrages en Musique : cela n'empêchoit pas de s'appliquer à la Viole et de composer une grande quantité de belles Pièces sur cet Instrument, qu'il jouoit avec tout l'art et la délicatesse possible.

Le goût que Lully lui avoit donné pour les Opéra l'anima à composer de ces grands ouvrages de Musique : nous en avons quatre de sa composition : I. Alcide ou le Triomphe d'Hercule, représenté en 1693, Tragédie en cinq Actes, où Louis Lully, fils du célèbre Lully, a travaillé conjointement avec lui. II. Ariadne et Bacchus, Tragédie en cinq Actes, 1696. III. Alcione, Tragédie en cinq Actes, 1706. IV. Sémêlé, Tragédie en cinq Actes, 1709. De ces quatre Opéra celui qui a le moins réussi est Ariadne et Bacchus ; mais les trois autres ont eu un grand succès, surtout celui d'Alcione, dont la musique est très belle. On ne peut s'empêcher de dire ici un mot de la tempête de cet Opéra, tant vantée par tous les Connoisseurs, et qui fait un effet si prodigieux. Marais imagina de faire exécuter la basse de sa tempête non seulement sur les Bassons et les Basses de Violon à l'ordinaire, mais encore sur des Tambours peu tendus, qui roulant continuellement, forment un bruit sourd et lugubre lequel joint à des tons aigus et perçants pris sur le haut de la chanterelle des Violons et sur les Haut- bois font sentir ensemble toute la fureur et tout l'horreur d'une mer agitée et d'un vent furieux qui gronde et qui siffle, enfin d'une tempête réelle et effective. Cet Opéra a eu une grande réussite les deux fois qu'on l'a remis au Théâtre, dont la dernière a été en 1730.

Marais a fait graver cinq Livres de Pièces de Viole ; le premier à une et à deux Violes, 1686 ; le second à une Viole et la basse continue, 1701 ; le troisième à une Viole avec la basse continue, 1711 ; le quatrième à une et à trois Violes, 1717 ; le cinquième à une Viole et basse continue, 1725. De plus un Livre de Symphonies en trio pour le Violon et la Flûte, avec la Basse, dédié à Mlle Roland, 1692 ; un Livre appellé la Gamme, suivi d'une sonnate à la Marésienne, et d'une autre Pièce intitulée, la Sonnerie de sainte Geneviève du Mont, qui sont des Symphonies pour être exécutées sur le Violon, la Viole et le clavecin, volume in-folio, 1723. Il a laissé encore plusieurs ouvrages manuscrits, comme un Te Deum, qui a été chanté aux Feuillants et aux Pères de l'Oratoire pour la convalescence de Monseigneur le Dauphin ; quelques Concerts de Violon et de Viole pour M. l'Électeur de Bavière ; et quelques autres Pièces à une et à deux Violes : on espère que sa Famille les mettra au jour.

On connoît la fécondité et la beauté du génie de ce Musicien par la quantité d'ouvrages qu'il a composés. On y trouve partout un bon goût et une variété surprenante : son grand savoir paroît dans beaucoup de ses ouvrages, et surtout dans deux morceaux dont les Maîtres de l'Art font un très grand cas ; savoir, une Pièce de son quatrième Livre, intitulée le Labyrinthe, où après avoir passé par divers tons, touché diverses dissonances, et avoir marqué par des tons graves, et ensuite par des tons vifs et animés l'incertitude d'un homme embarrassé dans un labyrinthe ; il en sort enfin heureusement, et finit par une chaconne d'un ton gracieux et naturel. Mais il a surpris encore davantage les Connoisseurs en Musique par sa Pièce appelée, la Gamme, qui est une Pièce de Symphonie qui monte insensiblement par tous les tons de l'Octave, et qu'on descend ensuite en parcourant ainsi par des Chants harmonieux et mélodieux tous les tons différents de la Musique.

Marais trois ou quatre ans avant sa mort s'étoit retiré dans une maison, rue de l'oursine, faubourg Saint Marceau, où il cultivoit les plantes et les fleurs de son jardin. Il louoit cependant une Salle rue du Batoir, quartier Saint André des Arcs, où il donnoit deux ou trois fois la semaine des leçons aux personnes qui vouloient se perfectionner dans la Viole.

Il a eu dix-neuf enfants de catherine d'Amicourt, avec laquelle il a été marié cinquante-trois ans, et célébré ses Noces Jubilaires. Neuf de ses enfants sont encore vivants, dont six fils. En 1709 il en présenta quatre à Louis le Grand, et donna à Sa Majesté un concert de ses Pièces de Viole, exécuté par lui et par trois de ses fils : le quatrième, qui portoit pour lors le petit colet, avoit soin de ranger les Livres sur les pupitres, et d'en tourner les feuillets. Le Roi entendit ensuite ces trois fils séparément, et lui dit : "Je suis bien content de vos enfants ; mais vous êtes toujours Marais, et leur père..." Monsieur et Madame la Duchesse de Bourgogne eurent le lendemain le même concert.

Les trois fils de Marais, dont on vient de parler, font encore aujourd'hui l'admiration des personnes qui les entendent jouer de la Viole, et ont un grand talent pour montrer l'art d'en jouer. Mlle Marais, personne d'un esprit aimable et d'un mérite distingué, peut bien tenir son rang parmi ses trois frères pour la manière brillante et délicate dont elle exécute sur la Viole. Sa sœur aînée a été mariée à Bernier, Maître de Musique de la Chapelle du Roi, connu pour un des premiers Auteurs de la Musique des Cantates françoises, et par plusieurs excellents Motets.

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Lire aussi :

Marin Marais : Brevet de Musicien de la Chambre du Roi, 1679.

Qui était véritablement Monsieur de Sainte-Colombe ?

 

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