Viennoiseries musicales
(1806-1826)
Musique pour csákan
Anton Heberle : Sonate
brillante (1810) (csakan solo) - Adagio Andante con variazioni (1807) (csakan et
quatuor à cordes) - Concertino (1807) (csakan et trio à cordes)
Josef Gebauer :
Sonate op. 17 (1812) (csakan et
pianoforte)
Karl Scholl :
Quartetto (c.1813) (csakan et
trio à cordes)
Wilhem Klingenbruner : 12
walzer op. 47 (c. 1817) (csakan et quatuor à cordes)
Ernest Krähmer : 2e Concert
Polonaise, opus 13 (1826) (csakan et quatuor à cordes)
Anton Csermák : Romance
hongroise n°4 (1804) (csakan et pianoforte)
La Simphonie du Marais : Philippe
Couvert, Franck Pichon (violons), Serge Raban (alto), Dominique Dujardin
(violoncelle), Marcia Hadjimarkos (pianoforte)
Hugo Reyne (flûtes et
direction)
65', Musiques à la Chabotterie,
2009

Crème chantilly
Qu’est-ce
que le csákan ou "flûte-canne" ? Tout simplement ce que devient la flûte à bec
au XIXème siècle : comme la flûte traversière, l’instrument se dote de clefs,
mais son mode d’émission du son reste le même. Le csákan a connu une certaine
vogue dans les cercles musicaux viennois tout au long du siècle, et l’on peut
estimer, d’après Hugo Reyne, à environ "500 titres le répertoire total du csákan,
essentiellement concentré de 1807 à 1849". Certes, dira l’auditeur moderne, mais
ces titres ont-il un intérêt plus qu’anecdotique ? Qu’il suffise de signaler que
deux des mouvements de la Sonate op. 17 furent attribués par erreur, dans un
arrangement pour hautbois et orchestre à vent, à Carl Maria von Weber.
Indéniablement, l’on a pas à faire ici à des révélations de chefs-d’œuvre
absolus oubliés et retrouvés, mais les pièces choisies ne manquent pas de
charme, tantôt dans leur virtuosité, tantôt dans leur simplicité, et
l’interprétation qu’en donnent Hugo Reyne et les musiciens de la Simphonie du
Marais fait revivre un ambiance qui a peut-être été celle des salons de ce début
du XIXème siècle, une ambiance plus souvent galante que romantique. Dire que le
flûtiste se tire sans difficulté aucune des traits les plus virtuoses serait
presque une prétérition ; il faut en revanche signaler que la lecture est
toujours sensible autant que brillante, délicate et jamais quelconque. On
remarquera particulièrement l’espièglerie de l’Andante con variazioni de Heberle
et la douce simplicité de la Romance hongroise de Csermák, l’endiablerie des 12
Valses de Klingenbrunner et l’inspiration coloriste du Quatuor de Scholl et du
2e Concert Polonaise de Krähmer.
Les couleurs sont en effet sans doute ce qui fait la vraie force de cet
enregistrement. Les variations de configurations instrumentales, présentant
tantôt le csákan seul, tantôt accompagné du pianoforte impeccable de Marcia
Hadjimarkos, tantôt d’un trio ou d’un quatuor à cordes dont la texture veloutée
se marie à merveille avec le son sucré du csákan.
Saluons du moins l’effort de recherche et le courage de la recréation de pièces
aussi réussies que le très beau Quatuor de Karl Scholl ou l’élégiaque "Introduzione"
et le "Tempo di polacca" brillant et contrasté du 2e Concert Polonaise d’Ernest
Krähmer ; ces œuvres justifieraient à elles seules l’acquisition d’un disque qui
n’a pas l’amertume du chocolat noir mais la gourmandise raffinée d’un chocolat
au lait couronné d’un dôme de chantilly.