Genre : œuvres pour clavier
Domenico SCARLATTI (1685-1757)
Sonates pour clavecin K. 420,
462, 132, 65, 144, 119, 426, 115, 206, 25, 475, 30
(+Antonio SOLER (1729-1783) :
Fandango)
Bertrand Cuiller (clavecin
italien de Philippe Humeau, 2002)
63'30, Alpha / Outhere,
2010.

"Montre-toi plus humain que
critique ; et ainsi tes plaisirs en seront plus grands" (D. Scarlatti,
Préface des Essercizi per gravicembalo)
K119.
Ce n'est pas encore le matricule de l'épopée dangereuse d'un sous-marin
soviétique en perdition sous les pôles, mais une aventure tout aussi périlleuse
dans les méandres scarlattiens. C'est sans compter l'énergie et la fantaisie de
Bertrand Cuiller, qui se lance avec délectation dans l'écriture variée et
imprévisible du compositeur, aidé en cela par le Bel Italien de Philippe Humeau,
un clavecin coloré, résonnant, aux graves ventrus. La K420 en ut majeur explose
dès son thème fier et plaqué avec force, la mélodie s'épanouissant avec une
virtuosité amusée, notamment dans les doubles-croches répétées, avec une
précision extravertie. La K462, plus tendre et rêveuse, moins dense,
bourgeonnant éclat de printemps avec quelques passages presque hésitants se
révèle plus touchante, de même que la sensuelle K132 au Cantabile ondulant, tout
comme l'élégant K144. Le claveciniste sait aborder chacune des sonates de
manière directe et immédiate, tentant d'en saisir le caractère principal,
l'esquissant à la manière d'un crayonné de Watteau plein de vie, de verdeur et
de mouvement. On regrettera qu'une seule pièce de Soler soit incluse, un
Fandango enivrant. La K119 ou la K115 sont l'occasion de se laisser aller au
plaisir du Scarlatti féroce des montagnes russes clavecinistiques, avec ces
accords ténébreux, ces chevauchées fantastiques qui dévalent le clavier à
pleines mains, cet amas de notes jouissif et sans arrière-pensées. Bertrand
Cuiller rend pleinement justice à ce bouillonnement spectaculaire et
intarissable, d'où l'auditeur sort épuisé, happé par l'incroyable dynamisme de
l'ensemble, désorienté par la liberté du jeu et de la structure, surpris - pour
les mélomanes peu habitués à Scarlatti - par cet étalage décomplexé. A quand un
disque Soler ?
Technique
: Prise de son proche et fidèle, qui met en valeur le superbe
clavecin de Philipe Humeau.