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20 janvier 2014

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Genre : récital

Maskes & Fantazies

Musique anglaise de la première moitié du XVIIe siècle

 

The Fairey Masque (Robert Johnson)

The Laidies Masque (Anonyme)

The Furies (Anonyme)

Suite en Do Majeur n°9 (John Coperario, 1575-1628)

The first Witches Dance (R. Johnson)

Adsonns Maske (J. Adson)

The Temple Anticke (Anonyme)

Fancye for two to play – piece à quatre mains (T. Tomkins)

Suite en La Majeur n°6 (Matthew Locke, 1622-1677)

The Second Witches Dance (R. Johnson)

Symphony extraite de Musicks Handmaide (William Lawes, 1602-1645)

The Goates Masque (Anonyme)

Malle Symen (Johann Jakob Van Eyck, 1590-1657)

The Kings Mistresse (Anonyme)

Sir Francis Bacon Masque I (Anonyme)

Grays Inne Masque (Anonyme)

Suite en ré mineur n°12 (John Coperario)

The Nobleman (R. Johnson)

Courant, of Harte diefje waerom zoo stil (Jakob Van Eyck)

The Nymphs Dance (Anonyme)

Cupararee or Graysin (Coperario?)

Sellabrand (William Lawes)

 

Sébastien Marq, flutes à bec

 

Le Concert Français

Pierre Hantaï, clavecin et orgue

Elisabeth Joyé, clavecin

Jérôme Hantaï, basse de viole

Vincent Charbonnier, contrebasse

 

57’45, Astrée Auvidis, enr. 1992 en l’Abbaye de Fontevraud

 

 

The Furies (Anonyme)

"Nous n’avons ressenti à aucun moment le manque « de farce » en jouant nos Masques-légumes, tellement le goût se suffisait à lui-même et générait ses propres épices" S. Marq

"C’est aussi facile que de mentir. Gouvernez ces trous avec vos doigts et votre pouce, donnez du souffle avec votre bouche et l’instrument vous fera entendre la plus éloquente musique" (scène 2 Acte III de Hamlet). Shakespeare définit bien grossièrement l’art de jouer de la flûte à bec mais l’effet de facilité qui émane de cette définition se retrouve lors de l’écoute de ce disque ; Sébastien Marq fait une fois encore montre du parfait équilibre de sensibilité profonde et d’aisance technique qui caractérise son jeu. Accompagné par le Concert Français, il nous fait découvrir ce qui était au peuple d’outre-manche ce que le Ballet de Cour fut aux Français. Le Masque (apparu au XVIe siècle) était inséré au sein de pièces de théâtre et fit, de par sa grande popularité, l’objet de folles dépenses, intégrant au spectacle des personnages issus de la noblesse voire le souverain lui-même. Les danses qui le composent peuvent être ordonnées en deux ordres : les Antimasques (Antickes) et les Masquers dont le caractère populaire était bien moins prononcé que pour la première catégorie. Le présent enregistrement nous offre d’apprécier plusieurs spécimens de ces deux groupes.

The Fairey Masque de Robert Johnson débute le disque sur ton jovial ponctué d’une certaine naïveté où le flûtiste virevolte en virtuoses roucoulades. Modulations, changements de registre et de tempo s’enchaînent, prodiguant à cet Anticke un caractère surprenant illustrant parfaitement son titre.

Il en va de même pour The Furies écrit par un illustre inconnu ; les premières notes sont sifflements diaboliques qui vont, viennent, nous encerclent et l’on se demande avec inquiétude par quel démon notre lecteur de disque s’est trouvé assailli ! Terriblement théâtrale, le jeu du flûtiste nous a fait une belle frayeur dont on se rie désormais. Rythmée des pizzacati de la viole soutenus par les moulinets du clavecin, cette danse - o combien imprévisible ! - est digne de la plus terrible des sorcières et fait danser des ombres terrifiantes sur nos murs.

Débute alors la suite en do Majeur de Coperario pour laquelle Sébastien Marq a choisi une flûte ténor, connue pour sa sonorité suave et profonde. Orgue et flûte s’entrelacent avec délice ; l’on ne sait exactement lorsque la flûte entre en piste car son timbre est intiment lié à celui du positif, les deus articulations se faisant l’écho l’une de l’autre. Tour à tour, les instrumentistes prennent la parole, concluant leurs phrases avec un flegme tout britannique sur des cadences parfois pyrotechniques mais toujours parfaitement en place. A l’image de cette Fantaisie, les autres mouvements montreront la flûte ténor comme un instrument très souple malgré ce que laisse penser sa grosse taille. Les frères Hantaï forment un continuo très solide et constituent, avec le flûtiste, un très beau trio où chacun met son instrument en valeur, gonflant joyeusement les notes de la Gaillard au ternaire terriblement enlevé et entraînant, nuancé de mille couleurs.

Bien plus sage, The Temple Anticke témoigne de toute l’ingéniosité de nous musiciens endiablés ; à défaut de savoir jouer du théorbe (quoi que… ?), Jérôme Hantaï égrène tantôt une perlée de notes nous transportant en une clairière baignée de lumière pour nous emmener aussitôt dans une course folle. Le flûtiste ramène bien vite son compère en la douce clairière au cœur de laquelle coule une eau limpide. Les musiciens s’investissent pleinement dans cette musique imagée qui demande tant d’expressivité.

Après la pièce de clavecin à quatre mains un peu obscure, la suite en La Majeur de Locke s’ouvre sur un Fantaisie où flûte et continuo partent en canon sonner un joyeux réveil. Armé à nouveau d’une flûte ténor, Sébastien Marq produit des graves d’une telle profondeur qu’un frisson de plaisir vous parcourt irrémédiablement l’échine.  Ces notes semblent sortir dont ne sait quels abysses où bouillonnent une eau revigorante, à l’image de la Jigg qui clôt cette suite par un enchaînement de petits pas rapides et espiègles où les musiciens jonglent avec les syncopettes !

Premier morceau vraiment mélancolique, la Symphony de William Lawes fait montre d’une grande solennité. L’espoir est permis mais l’espérance est vaine, le sort doit être accepté tel que… Heureusement nos musiciens prennent le dessus en nous emmenant dans une galante chevauchée au cours de The Coates Masque où les arpèges du flûtiste s’apparentent à un vol planant, malheureusement trop bref.

L’enregistrement des Essercizii Musici de Telemann (Astrée Auvidis) nous avait déjà permis de goûter à la sensibilité et l’intelligence dont faisait preuve le flûtiste dans les pièces solo ; saveur que l’on retrouve dans les deux œuvres de Van Eyck, compositeurs emblématiques pour les flûtistes. Chaque note s’épanouit, les aigus de la soprano sont cristallins et rendus avec fidélité par une excellent prise de son. Le phrasé, si complexe au sein de variations, apparaît ici sans aucune ambiguïté, laissant émaner la mélodie première au milieu d’ornements très virtuoses.

Il serait en réalité bien trop long de décrire les vingt neuf morceaux composant ce disque tant chacun mérite une attention particulière de par les multiples caractères et expressions qu’il offre. Le Concert Français, encore bien jeune à cette époque, réalise à nouveau un enregistrement remarquable où chaque musicien a su être attentif au phrasé, à l’illustration de la musique par des sentiments ad hoc. C’est sur un ton décidé que la Sellebrand de Lawes, aux accents guerriers mais poétiques, conclut ce disque qui malheureusement devient une rareté.

 

 

Isaure d'Audeville

Technique : excellente prise de son, claire et spatialisée.

 

 

 

Affichage minimum recommandé : 1280 x 800

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