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mise à jour 20 janvier 2014
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Genre : récital "Lamenti"
Francesco Cavalli (1602-1676) 64'20, Virgin, 2008
"Il y a un temps pour tout, un temps de pleurer, un temps de rire, un temps à se lamenter et un temps de danser." (L'Ecclesiaste)
Commençons par les demi-déceptions, qui sont heureusement peu nombreuses. Nous avouons notre admiration pour le timbre cuivré et le phrasé large de Rolando Villazón, mais sa technique comme sa sensibilité l'éloignent totalement des rivages baroques. Le ténor ouvre et clôt de manière héroïque le programme, fidèle à lui-même, prêt à hisser Cavalli et Monteverdi au niveau des tirades interminables de Verdi et Donizetti. Quelques amateurs inconditionnels du franco-mexicain se réjouiront de cet organe puissant, de la sûreté implacable de l'émission, du jeu dramatique poussif. Les baroqueux que nous sommes frémiront. A l'inverse, Topi Lehtipuu, en dépit de graves bien assis et d'une belle diction, souffre d'aigus doucement aplatis qui rendent incertain mais touchant le "Dormi, cara Didone". Côté féminin, on aura connu Joyce DiDonato plus convaincante que dans le monologue d'adieu d'Octavie du Couronnement de Poppée, honnête mais sans relief. Enfin, si "Dure Noia" de Cesti est un succès, c'est plus grâce à l'accompagnement languissant du Concert d'Astrée que par la voix chaleureuse mais trop avare de couleurs de Laurent Naouri, profond quoiqu'assez mécanique dans les ornements. Ces larmes recèlent aussi des perles : superbe Patricia Ciofi, redoutablement altière dans le Lamento di Maria Stuarda de Carissimi, au chant nuancé, âpre et désorienté à l'image de la reine déchue, sculptant chaque syllabe, lançant chaque mot comme un défi à la face d'un monde qui l'a outragée. La projection est droite, solide, presque dédaigneuse et soudain la soprano se laisse fléchir un instant, révèle la femme blessée, oublie un vibratello qui dit la souffrance derrière l'hermine déchirée. Véronique Gens campe également une Ariane noble et digne, expressive et stylée dans le célèbre Lamento monteverdien. Même émotion intense pour le "Tremulo spirito" de Marie-Nicole Lemieux qui fait valoir un contralto sombre, tirant vers les graves, sourde par moment, usant rarement du registre de tête, comme plombée par le destin. Vous l'aurez compris en lisant ces lignes, les moments les plus poignants ne sont pas exempts de défaillances techniques mais possèdent ce je-ne-sais-quoi d'incroyablement humain qui rend la détresse palpable et communicative. Enfin, le rare Eraclito amoroso de Strozzi sur basse obstinée bénéficie des talents de Philippe Jaroussky, visiblement très inspiré, en état d'apesanteur dans le couplet "Vaghezza ho sol di piangere", le souffle infini, le désespoir résigné, le timbre ambigu. Les variations sont interprétées avec une insidieuse finesse qui laisse derrière elle ce balancement en 3 temps qui persiste une fois la pièce évanouie. Bravo donc à Emmanuelle Haïm et à toute cette équipe qui a su transformer un récital qu'on aurait volontiers - et trop hâtivement - stigmatisé de parution mercantile en véritable écrin de confidences désolées, livre des rêves évanouis et tombeau des regrets.
Technique : prise de son large, un zeste artificielle.
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Affichage minimum recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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