Da tempeste (Giulio
Cesare)
Lascia ch’io pianga (Rinaldo)
Tornami a vagheggiar (Alcina)
Dolce riposo, ed innocente pace (Teseo)
Ira, sedgni, e furore … o stringerò nel sen (Teseo)
Felicissima quest’alma (Apollo e Dafne)
Il mio crudel martoro (Ariodante)
Vo’far Guerra (Rinaldo)
Ah, spietato (Amadigi di Gaula)
Myself I shall adore (Semele)
Piangerò la sorte mia (Giulio Cesare)
Endless pleasure, endless love (Semele)
Danielle De Niese (soprano)
Les Arts florissants, direction William Christie
Decca, 61’51’’, enr. 2007
Un vent de fraîcheur
Alors que Danielle de Niese retrouve en ce moment même (jusqu'au 7
février 2008) son rôle fétiche de Cléopâtre à la Monnaie de Bruxelles, Decca
nous gratifie d'un joli récital consacré uniquement à des airs italiens et
anglais de Haendel. On y retrouve d'emblée ce qui a charmé des milliers
d'auditeurs depuis ce Giulio Cesare de
Glyndebourne (DVD Opus Arte), à savoir l'incroyable vitalité de la
soprano américaine, une joie de vivre et de chanter qui ne demande qu'à
s'exprimer avec passion. Danielle de Niese se fait donc plaisir, et nous
entraîne avec elle dans les pages célèbres ("Da Tempeste", "Lascia ch'io pianga",
"Dolce riposo", "Myself I shall adore", "Piangerò") ou plus confidentielles ("Felicissima
quest'alma") du Saxon. La voix est légère, agile, fraîche, dotée d'un superbe
projection. Quand Danielle de Niese chante, son
bonheur simple irradie la scène comme le disque. Les airs de fureurs sont
abattus avec enthousiasme ("Da Tempeste" a gagné en assurance depuis 2005), les
airs de désespoirs lambinent avec grâce. Le "Lascia ch'io pianga" est
sincère, direct, loin des coquetteries de Cecilia Bartoli, "Il mio crudel
martiro" paraît bien enjoué pour une amante en souffrance, "Vo' far guerra"
délicieusement pacifique. Peut-être est-ce la faute du récital que d'enlever
le drame à chaque pièce pour les transformer en morceaux de concert, car les
climats sont uniformément optimistes et lumineux, les tempi assez compacts.
William Christie tend un tapis de velours à sa protégée, caressant la
soprano dans un écrin soyeux et coloré de cordes, complice et mentor
attentif de chaque instant. La sonorité riche et ample des Arts Flo fait
merveille dans les airs lents, tandis que la basse continue bondissante
rythme et encadre les vocalises. Certes, les grincheux ne manqueront pas de remarquer qu'en dépit de son formidable
potentiel, Danielle de Niese peut encore acquérir plus de corps et de
profondeur dans son chant, et gagner en précision dans ses ornements. Le
souffle est fier mais le phrasé parfois heurté, les aigus occasionnellement en équilibre
précaire. Qu'importe ces défauts de jeunesse, la jeune soprano a encore
temps pour gravir le chemin de la digne maturité, et l'on serait cruel de
dédaigner une telle fougue.
Addendum : c'est après avoir entendu
Danielle de Niese en mini-concert lors de la présentation presse de la sortie
française de son récital que l'on comprend tout ce qui se perd au disque. La
soprano ne chante pas avec sa gorge mais avec son cœur et son corps, donnant
vie à chaque personnage, jouant la comédie l'espace d'un air, transfigurée
par le bonheur de se donner aux autres. C'est cette générosité et cette
spontanéité qui trouble de temps à autre la ligne de chant, s'oublie dans
des aigus stratosphériques lâchés brutalement comme des soupirs libératoires
et qui font frissonner l'auditoire. Le disque gomme ces délicieux débordements, et n'a
pas su capter cette immédiateté et cette intimité que la chanteuse établit
avec son public conquis d'avance. Comment saisir certains partis-pris interprétatifs
(ce Piangerò aux respirations étranges dans le da capo,
par exemple) sans voir l'artiste haletant ses vocalises suicidaires ? Oui,
le chant de Danielle de Niese n'est pas (encore) forcément le plus parfait
techniquement, mais c'est l'un des plus vrais et des plus touchants qui
soit.
Viet-Linh Nguyen
Technique
: Très bon
enregistrement, beaux timbres, et la voix de la soprano bien en avant.