Introduction "Menuet" en sol
mineur(extrait suite n°1 HWV 434 cahier n°2)
Suite n°5 en mi majeur HWV 430 cahier n°1
Intermède "Allemande" en ré mineur(extrait suite n°3 HWV 428 cahier n°1)
Suite n°5 en mi mineur HWV 438 cahier n°2
Suite n°8 en fa mineur HWV 433 cahier n°1
Suite n°6 en sol mineur HWV 439 cahier n°2
Suite n°2 en fa majeur HWV 427 n°1
Intermède "Air" en ré mineur(extrait suite n°3 HWV 428 cahier n°1)
Suite n°4 en mi mineur HWV 429 cahier n°1
Racha
Arodaky, piano
70'25,
Air Note, 2009.
En tournant les pages du cahier...
Un
nouveau label créé pour l'occasion, un digipack épais, manuscrit, presque
artisanal. Haendel au piano. Encore. On met le disque sur la platine,
presque à regret devant ce nouvel outrage fait à notre clavecin chéri pour
goûter la sensualité d'une caresse, la douceur satinée d'un toucher qui
prend son temps, aime le contrepoint mais en brûle la lisibilité en
l'animant d'une touche mélodique appuyée, passant de ligne en ligne du bout
des ongles. Le fameux Menuet introductif, discret, moelleux, souriant
énigmatiquement à la manière d'une Joconde en noir et blanc, donne l'allure
d'un programme sélectif, où perce un investissement personnel d'une rare
fraîcheur. Non, ce disque ne révolutionne pas l'interprétation haendélienne,
n'ouvre pas de nouveaux horizons, ne prétend pas dépoussiérer, le bélier
dans la porte, notre approche du Cher Saxon. Mais il y a là une poésie fine,
une réflexion lumineuse, un équilibre de somnambule qui laisse un goût de
sucré-amer qui persiste après chaque pièce.
Racha Arodaky a soigné
l'enchaînement des pièces et des tonalités, conférant une indéniable
cohérence à ce parcours tendre et nostalgique. L'Air et variations de la
Suite n°5 suffit à démontrer les infinies nuances et retards que la pianiste
insuffle à cette mélodie, tantôt majestueuse et fière, tantôt hésitante et
frêle, plus ou moins détachée. Et il y a ce liant songeur, un peu distant,
comme perdu dans ses pensées, qui perce souvent comme dans l'Allemande de la
Suite n°3 proposée en guise d'intermède. Alors, oui, Arodaky peut faire
pleuvoir les météores virtuoses de la Gigue de la n°8, marteler ça et là,
plonger dans les graves qu'elle délaisse la plupart du temps, s'escrimer à
placer avec force ses doubles-croches, étaler son exemplaire technique dans
une rage factice. Mais ce n'est pas dans ces déferlements tsunamiques que
l'artiste convainc. Et s'il faut aimer une Gigue vive, ce sera celle de la
Suite n°5 rapide mais ouatée, comme si les roulements de tambour savaient
porter le feutre.
Et puis non, au diable les Gigues, écoutons
plutôt les méandres rêveurs de l'Adagio de la Suite n°2, cette manière gênée
qu'apporte une main gauche qui s'excuse par son battement de déranger
l'épanchement de la droite, ce trille serré - trop diront mes amis baroqueux
- coincé au travers de la gorge. Et d'un coup, voici un Allegro gaillard qui
s'enivre de sa paillardise, se dandine de son ton majeur sans peur et sans
reproche avec la prestance des héros ou des enfants gâtés. Au contraire, la
Sarabande de la Suite n°1 se métamorphose en prière à demi-mots, presque
douloureuse.
Vous autres lecteurs vous étonnerez d'une
critique moins précise qu'à l'ordinaire, et soudainement gagnée par
l'émotion, où les comparaisons et les tableaux défilent. Nous aussi. Car le
charme de cette interprétation réside justement dans la capacité de la
pianiste a établir en quelques arpèges un climat pénétrant et profond, aux
contours enrobés de gaze tels un lavis d'aquarelle encore humide. A
contempler bien au chaud, en prenant garde à ne pas coller son nez contre la
vitre.